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surtout d’une importance extrême pour le blanchissage, car les sels calcaires et magnésiens absorbent en pure perte une notable quantité de savon. On s’est amusé à calculer, d’après des évaluations qui ne manquent pas d’exactitude, que les habitans de Londres économiseraient du savon pour une somme de 400,000 livres sterling par an, s’il leur était fourni de l’eau douce en place de l’eau séléniteuse que distribuent les fontaines de cette capitale. Quant aux liquides destinés aux services publics, à l’arrosement des rues et des plantations, au lavage des égouts et des abattoirs, il est clair que la composition chimique n’est plus en cause, et qu’il suffit qu’ils ne dégagent aucun gaz malfaisant ; toutefois, s’ils sont distribués dans une grande ville par des tuyaux souterrains, il faut encore qu’ils ne soient pas incrustans, car les dépôts qu’ils laisseraient sur les parois des conduites en rétréciraient bientôt l’ouverture. On évitera aussi d’amener dans les rues d’une ville les eaux trop chargées de sédimens et de boue que fournissent les rivières où les crues sont fréquentes ; tout au contraire il faudra préférer cette nature de liquide, s’il s’agit d’irriguer des terres trop sèches et d’en colmater la surface par un dépôt artificiel de limon.

Nous sommes renseignés sur la nature des eaux qu’il convient de rechercher pour les diverses applications que l’on en veut faire ; mais comment reconnaître, à moins d’être un chimiste expérimenté, les vices occultes d’une source, d’une rivière ou d’un puits ? En réalité, il est assez facile d’arriver à ce résultat avec une exactitude suffisante, quand même on ne posséderait que des notions scientifiques très élémentaires. Les substances étrangères qui influent sur la qualité de l’eau sont organiques ou inorganiques. Dans la première catégorie se rangent tous les résidus de plantes et d’animaux que la mort décompose ; dans la seconde figurent les sulfates et carbonates de chaux ou de magnésie et d’autres sels empruntés au sol que les eaux ont baigné. L’odorat et la vue donneront d’abord des indications utiles ; si le liquide est louche ou coloré, s’il décèle une odeur quelconque, il sera prudent de le tenir pour suspect. La transparence et la saveur de l’eau pure sont si connues, que le plus ignorant ne risque guère de s’y méprendre. Toutefois une expérience plus délicate ne sera pas superflue. Prenons une goutte de l’eau soumise à l’épreuve, et plaçons-la sur le porte-objet d’un microscope. Personne n’ignore que l’on y verra, si limpide qu’elle soit à l’œil nu, des myriades d’êtres infiniment petits qui se meuvent avec une vivacité prodigieuse. L’eau distillée même n’en est pas exempte, pour peu quelle ait été exposée à l’air ; mais le nombre, la nature, la forme de ces embryons dévoileront le poison caché, surtout si l’on a soin de soumettre au même essai, pour en