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immense impulsion aux travaux publics. Ainsi la vieille capitale plu monde est, en ce qui concerne les distributions d’eau, connue sous beaucoup d’autres rapports, le premier modèle il étudier.


II

Du moment que les habitans d’une ville, ne se contentant plus des eaux de puits ou de rivière qu’ils ont sous la main, prennent la résolution d’y amener celles de sources ou de ruisseaux éloignés, il faut ouvrir un canal factice à ces eaux nouvelles ; c’est ce que l’on désigne sous le nom d’aqueduc. Tantôt c’est une simple rigole, à ciel ouvert ou abritée d’une voûte, que l’on trace à la surface du sol avec une pente ménagée de telle sorte que le liquide s’écoule en vertu de la pesanteur. La science de l’hydraulique, la plus subtile partie de l’art de l’ingénieur, enseigne quelles doivent être en chaque cas les dimensions du canal, suivant le volume d’eau qu’on lui veut faire débiter. Tantôt une montagne barre le passage, on la traverse en souterrain, tantôt c’est une vallée qu’il faut franchir. Lorsqu’ils se trouvaient en présence de cette difficulté, les Romains savaient faire usage du siphon, c’est-à-dire d’un épais tuyau recourbé dont les branches rampent sur les flancs du vallon. L’eau descend par son poids dans la branche d’amont et reprend presque son niveau primitif dans la branche d’aval. Toutefois, si les ingénieurs de l’empire romain connurent cet expédient, — on en retrouve des traces aux environs de Lyon, — ils préférèrent presque toujours maintenir leurs aqueducs à hauteur sur des arcades en maçonnerie. Les ouvrages de ce genre, dont les restes subsistent en toutes les contrées qu’occupèrent les maîtres du monde ancien, méritent d’être comptés au nombre des plus beaux et des plus utiles travaux par lesquels ils signalaient leur domination. L’Espagne conserve les aqueducs de Tarragone et de Ségovie. Les aqueducs d’Agrigente et de Catane en Sicile, ceux d’Arcueil et de Metz ainsi que le pont du Gard en France, sont des témoins durables de l’ampleur qui caractérisait à cette époque les œuvres d’utilité publique. L’Afrique française en contient de nombreux vestiges ; mais ils n’ont plus d’intérêt que pour les archéologues, tant ils sont délabrés : des arcades isolées qui se maintiennent en équilibre après avoir subi l’effet rongeur du temps et résisté aux entreprises destructives des barbares nous disent combien ces constructions étaient hardies et solides[1]. Il y

  1. De la permanence des édifices romains, on a voulu tirer un argument en faveur des procédés de construction que les anciens employaient. Nous ne savons pas, a-t-on souvent dit, préparer des mortiers aussi durables et aussi résistans que les leurs, asseoir aussi bien qu’eux nos édifices et donner aux matériaux qui les composent la cohésion que l’on remarque dans les restes de murailles antiques, où la pierre et le mortier ne font plus qu’un. Il parait démontré que cette liaison intime des matériaux, que l’on constate aussi dans les ruines du moyen âge, est l’œuvre des siècles et non le résultat d’une composition de ciment dont le secret aurait été perdu, et que des maçonneries bien faites avec les matières dont nous disposons sont destinées de même à se transformer en un seul bloc de roche compacte par l’effet du temps.