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souvenir très vif de ses propres origines ; tous les autres peuples se sont, avec un accord qui a l’air d’être concerté ; tant il est unanime, tournés vers l’imitation, souvent trop servile, des maîtres italiens. L’Angleterre cependant semble à l’abri de ce reproche ; elle n’a point de passé. Si pendant quelque temps elle a suivi la tradition de Yan Dyck, prolongée par Reynolds, Laurence et Gainsboroug, elle est revenue aujourd’hui, à son grand dommage, vers cette originalité native, ce besoin d'eccentric qui est une des conditions essentielles du peuple de la Grande-Bretagne. On pourrait croire que l’Espagne et l’Italie, fidèles aux grands exemples qui les ont illustrées jadis, se sont largement abreuvées aux sources mêmes de l’art pur ; il n’en est rien. Il ne conviendrait même pas de parler de l’Espagne, si M. Palmaroli et M. Rosales n’affirmaient par leurs tableaux que la patrie de Vélasquez et de Murillo peut encore produire quelques œuvres d’art recommandables ; mais le souvenir des maîtres qu’on admire au musée de Madrid ne s’y fait point sentir, et les deux artistes ne dénotent que des préoccupations italiennes. Le Sermon à la chapelle Sixtine, de M. Palmaroli, est une toile d’intérieur, où les colorations rouges sont d’un très bon effet, que compromettent cependant deux ou trois nuances blanches trop accusées. Quant au tableau de M. Rosales, Isabelle la Catholique dictant son testament, il offre des qualités sérieuses d’ordonnance et de composition ; mais la couleur en est assez froide, et le modelé, que dépare l’abus des touches plates, laisse singulièrement à désirer. C’est peu, et deux toiles qu’on trouve à citer ne donneront pas à l’Espagne un relief qui effacera les douloureuses misères de son gouvernement. Cependant, si restreinte qu’elle soit, cette exposition est supérieure à celle qu’elle nous avait montrée en 1855.

L’Italie, il faut le reconnaître, a eu tout autre chose à faire depuis longtemps qu’à cultiver les beaux-arts ; il n’est donc pas surprenant que sa peinture soit une image très affaiblie des chefs-d’œuvre que chacun aujourd’hui tient à honneur de connaître et d’étudier. Ses artistes les meilleurs sont presque nôtres, ils sont connus dans nos expositions, qu’ils suivent régulièrement, et où ils ont souvent obtenu des récompenses méritées ; ce sont eux jusqu’à présent qui jettent le plus vif éclat sur l’art moderne de l’Italie. M. Pazini, dont les progrès sont incessans depuis quelques années, continue cette exploration plastique de la Perse qu’il a commencée il y a déjà longtemps. Le Schah parcourant les provinces de son royaume est une de ses bonnes toiles, vivante de ton, pleine d’air, d’un paysage grandiose habilement composé, et où la longue caravane des personnages se meut dans une atmosphère à la fois