Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

auxiliaire par ce qu’il avait fait jusque-là seul et abandonné, l’Espagne obligée d’avoir des armées disséminées de toutes parts à Milan, à Naples, en Navarre, dans les Pays-Bas, dans ses colonies d’Amérique. Avec mille raisons d’être comme protestant attaché à l’Angleterre, Coligny ne laissait pas de garder toute l’indépendance du sentiment français, et il conseillait au roi de ne pas trop se fier aux Anglais, « ces insulaires nos ennemis de tout temps et toujours prêts à se joindre à ceux qui nous font la guerre. » Plus tard, après la mort de Coligny, Catherine de Médicis, voulant sans doute amadouer les Anglais au sujet de la Saint-Barthélémy, montrait à l’ambassadeur de la reine Elisabeth, à Walsingham, les papiers de l’amiral et lui disait : « Voyez le discours dans lequel, entre autres avis qu’il donnait au roi mon fils, il lui recommandait surtout d’abaisser autant qu’il le pourrait la reine votre maîtresse et le roi d’Espagne comme étant un moyen qui pouvait beaucoup contribuer à la sûreté et au maintien de sa couronne. — C’est là, madame, répondit Walsingham, le conseil d’un sujet très fidèle à la couronne de France, et sa mort est une grande perte pour le roi et le royaume. » L’orgueil du patriotisme anglais ne s’offensait pas du patriotisme français. Walsingham était d’ailleurs un très chaud partisan de l’action commune de la France et de l’Angleterre dans la guerre de Flandre ; mieux que tout autre, il avait pu suivre les plans qui s’agitaient à Paris, la part qu’y prenait Coligny et les chances de succès qu’ils avaient, lui qui à un certain moment écrivait à sa reine : « Il est impossible, humainement parlant, que les Français ne réussissent pas. »

Le fait est qu’un instant, dans cet été de 1572, tout semblait prêt pour l’action. Le traité d’alliance avec l’Angleterre était signé au mois d’avril. Schomberg avait pleinement réussi dans ses négociations en Allemagne. « Sire, écrivait de Constantinople M. de Noailles, le Bassa revient toujours à ses moutons et ne me chante jamais que cette chanson de faire la guerre à l’Espagne. » Le roi avait eu des entrevues secrètes avec le frère de Guillaume d’Orange, Louis de Nassau, à qui il avait promis « d’employer toutes les forces que Dieu lui avait données pour délivrer les Néerlandais de l’oppression, » et des secours passaient même déjà aux insurgés en attendant le corps qui devait entrer en Flandre sous Coligny. C’était le moment où le duc d’Albe écrivait : « J’ai en mon pouvoir une lettre du roi de France qui vous frapperait de stupeur si vous la voyiez. » Et Charles IX, de son côté, disait à ses confidens : « Savez-vous que le duc d’Albe me fait mon procès ! » Au mois de juillet 1572, le roi de Pologne, Sigismond-Auguste, dont on attendait la mort, finissait par s’éteindre, et l’évêque de