Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

institutions… Ce qui domine au contraire dans le caractère russe, c’est la patience, la résignation, l’obéissance aveugle, l’annihilation du citoyen et de toute personnalité. Le véritable Russe se courbe sous un ordre du tsar comme sous un décret de la Providence. Le point d’honneur consiste à accepter sans murmurer l’ordre du maître, la dignité de l’homme à obéir… Ce principe de l’autocratie tsarienne que la Russie a reçu des Mongols a fait toute la force de son empire, et, bien que par momens la Russie en ait horreur, elle semble, condamnée à y rester rivée ou à périr, du moins dans sa forme historique et actuelle… » De là cette lutte acharnée, sanglante, qui commençait avec tous ses caractères au XVIe siècle, qui était dans toute son intensité au moment de l’interrègne, où, comme aujourd’hui, la Pologne représentait l’esprit de liberté et d’indépendance, tout ce qui la rapprochait de l’Occident, tout ce qui faisait de son existence une barrière, une garantie, un des élémens essentiels de la politique européenne et particulièrement de la politique française.


III

Je reprends donc : dans cet ordre de combinaisons qui se nouaient et se débattaient au mois d’août 1572, la guerre de Flandre, c’était l’indépendance pour la Hollande insurgée et pour la France l’extension de sa frontière. La question polonaise avait un autre caractère sans dévier du même but de grandeur extérieure. Pour la Pologne, l’alliance française était un moyen de résister au débordement moscovite, qui devenait chaque jour plus menaçant ; pour la France, la Pologne était un contre-poids à la maison d’Autriche, une force d’équilibre entre les Allemands, les Moscovites et les Turcs. Tout se réunissait pour conseiller cette politique nationale et hardie, qui embrassait à la fois tous les intérêts du pays. « On crut plus habile, dit M. de Noailles, d’inonder la France de sang français, » et avec Coligny, la première victime, périt le grand projet dont il avait été l’énergique, le patriotique inspirateur ; c’était la victoire momentanée de Catherine de Médicis profitant de l’effarement du roi et se vengeant de l’amiral. Je n’ai rien à dire des effets intérieurs de ce grand meurtre, qui n’avait pas même le fanatisme pour excuse, et qui, en noyant dans le sang la liberté religieuse naissante, ne servit ni le catholicisme ni la royauté, bientôt réduite à capituler de nouveau avec les protestans ; mais c’est surtout au dehors, dans les affaires extérieures de la France, que la Saint-Barthélémy eut des conséquences désastreuses.

Tout se trouvait changé d’un seul coup. L’Espagne, rassurée sur