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officielle à l’archevêché. On fit de tout cela autant de chefs d’accusation pour le convaincre de cupidité et de vol, Cet argent du patrimoine ecclésiastique, ce produit des vases sacrés, des étoffes, des tapis, des ornemens, des marbres, de tous les objets par lui détournés, qu’en avait-il fait ? Lui qui affichait la pauvreté d’un anachorète, qui se faisait nourrir par les mains d’Olympias, qui avait retranché de sa maison épiscopale non-seulement l’appareil nécessaire à la vie décente d’un évêque, mais jusqu’à l’hospitalité, qui est pour lui un devoir rigoureux vis-à-vis de ses collègues et de ses ouailles, que faisait-il de ces économies ? Il les enfouissait dans quelque coin de son évêché, où il entassait denier par denier des trésors immenses. — Je m’étends sur ces imputations parce qu’elles figurèrent en première ligne dans le procès que son clergé lui intenta devant deux conciles. Parties de ses prêtres même, elles arrivaient avec une apparence de vérité à la cour et dans les conciliabules de ses ennemis.

On avait su pourtant bientôt, et ceux-là surtout qui pouvaient observer l’archevêque de près, que personne au monde n’était plus désintéressé, et que, dans cette simplicité dont il faisait montre, on n’avait à lui reprocher que l’ostentation. Nul évêque à aucune époque ne fut plus charitable que Chrysostome. Sans doute il eut des travers, il eut même des vices qui firent son malheur, l’orgueil, le ressentiment, l’amour effréné de la domination ; mais jamais rien de bas ne monta jusqu’à son cœur. Le produit de ces ventes qu’on lui imputait à crime, il l’employait non-seulement à des aumônes dont il se faisait lui-même le juge, mais à des fondations charitables au vu et su de la ville entière. Il établit à Constantinople de ses deniers épiscopaux un hôpital pour les malades et un autre pour les étrangers. Il incitait sans cesse par ses sermons, par ses exhortations privées, par ses exemples, les fidèles riches à construire des lieux d’assistance. Il eût voulu que la ville de Constantinople ne fût qu’un grand hospice, et que chacun eût dans sa maison une chambre réservée pour l’étranger en passage ou pour l’indigent. Nous avons encore un sermon où il adressait à son auditoire ces touchantes paroles : « Le Christ est à votre porte, ouvrez-lui, vous lui devez votre plus bel appartement, et il ne vous demande que le moindre coin. Placez-le où vous voudrez, dans vos arrière-chambres avec vos serviteurs, dans vos celliers, dans vos écuries, avec vos ânes et vos chevaux ; mais logez-le ! »

La réforme des clercs pour être complète devait s’étendre sur les diaconesses ; qui faisaient partie du clergé : œuvre délicate, car ces femmes étaient une sorte de puissance dans l’église. Chrysostome accomplit ce devoir avec sa décision ordinaire, mais aussi avec la