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donc, voyant Olympias veuve à la fleur de l’âge, résolut de la remarier à un de ses parens, originaire d’Espagne comme lui et nommé Elpidius. Olympias refusa. Elpidius n’en continua pas moins sa poursuite, soit qu’il fût réellement épris de la jeune femme, soit qu’il ne convoitât que sa fortune. Blessé de ce refus, Théodose voulut commander, mais sans succès encore. « Si Dieu m’avait destinée à vivre dans le mariage, lui écrivit Olympias, il ne m’aurait pas ôté celui que j’aimais. En nous dégageant l’un et l’autre du joug que nous nous étions donné volontairement et des devoirs que la vie conjugale entraîne, Dieu m’a montré ma véritable vocation, qui est de le servir dans le veuvage. » L’empereur crut voir dans ce parti étrange, à l’âge d’Olympias et dans sa condition, un effet des suggestions des prêtres, désireux d’accaparer ses biens : il fit mettre son patrimoine sous le séquestre, le plaçant sous la garde du préfet de Constantinople jusqu’à ce que la jeune veuve eût atteint sa trentième année.

C’était un de ces actes de despotisme que se permettait parfois le grand Théodose, sauf à s’en repentir après. Olympias fut cruellement offensée, non-seulement de la mainmise décrétée sur ses possessions, mais des procédés brutaux avec lesquels le préfet de la ville jugeait à propos de l’exercer, s’imaginant par là servir la cause d’Elpidius. Elle se révolta contre une pareille tyrannie, et, appelant à son aide la dignité de son caractère et de son rang, elle écrivit à l’empereur la lettre suivante, qui nous est restée.

« Je te rends grâce, prince auguste, de ce que, avec la sagesse et la bienveillance, non pas seulement d’un souverain, mais d’un évêque, tu daignes te charger de l’administration de ma fortune et m’alléger par là le fardeau des soins terrestres. Veuille couronner ton œuvre en distribuant ces mêmes biens aux pauvres et aux églises, comme j’avais l’intention de le faire. Tes agens s’y connaîtront mieux que moi, puis tu m’épargneras les aiguillons de vanité coupable qui accompagnent trop souvent la charité. »

Cette lettre où sous un calme si élevé se cachait la plus sanglante ironie fit rougir l’empereur. Il révoqua la mesure, rendit à Olympias l’administration de son patrimoine et la laissa libre de suivre sa vocation comme elle voudrait : elle se consacra tout entière alors aux travaux de la viduité chrétienne. Nectaire, qui occupait en ce moment le siége épiscopal de Constantinople l’accepta pour diaconesse et en fit même sa conseillère dans toutes les affaires de son église. « Rien ne se décidait sans elle, » nous dit le contemporain que nous avons déjà cité. Chrysostome, après Nectaire, lui montra une confiance égale avec une affection plus grande encore, car il put mettre à l’épreuve chez cette noble femme des facultés de dévouement