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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


dont Nectaire n’avait pas eu besoin. Olympias en retour voyait en lui plus qu’un père et presque un dieu.

Elle apporta de douces consolations à cet homme austère et chagrin dans les difficultés d’une vie qu’il gâtait trop souvent par les exagérations de son caractère. Adoucir ces fatales aspérités fut son travail de chaque jour. Elle veillait aussi sur les besoins de sa vie matérielle et se chargea de le nourrir, car, ainsi que je l’ai dit, Chrysostome, peu capable de ce vulgaire souci pour lui-même et poussant l’isolement jusqu’à la manie, eût ruiné à plaisir une constitution déjà bien délabrée. La persécution de ce grand et malheureux homme ouvrit pour Olympias l’ère d’épreuves où son âme se déploya tout entière : il nous suffit de dire ici que sa fidélité à cette cause qu’elle regardait comme sainte ne faiblit ni devant la prison, ni devant l’exil, ni devant les chevalets du martyre.

Telle était à la fin de l’année 400, et un peu plus d’un an après la chute d’Eutrope, la composition des deux camps et les prodromes de la guerre, quand une absence de l’archevêque, appelé en Asie par les désordres de l’église d’Éphèse, permit à ses ennemis de tirer leurs armes et de commencer le combat.

IV.

L’église d’Éphèse, cette fille bien-aimée de l’apôtre Jean, n’était plus celle de qui il disait dans son Apocalypse : « Écris à l’ange de cette église, je connais tes œuvres, ton travail, ta patience. Je sais que tu ne supportes point les méchans, et que, souffrant pour mon nom, tu n’as point défailli ! » La communauté chrétienne d’Éphèse au Ve siècle était loin de mériter cet éloge. Son ange s’était voilé la face, et les enseignemens de Simon le magicien y remplaçaient les leçons de Jésus-Christ. La simonie y régnait en souveraine. Tout s’y vendait, tout s’y achetait : l’épiscopat, le sacerdoce, le diaconat ; et les dons du Saint-Esprit y étaient tarifés suivant qu’ils rapportaient. Une corruption égale régnait dans le troupeau et dans le pasteur. La nécessité pour le candidat électif au trône épiscopal d’acheter les suffrages des électeurs créait pour l’évêque élu cette autre nécessité de vendre les ordinations sous peine d’être ruiné, lui, sa femme et ses enfans ; c’était un marché convenu, accepté de tout compétiteur, Cependant on tâchait d’envelopper de secret ces ténébreuses opérations, tant il s’y trouvait de gens compromis.

Or il arriva que dans le cours de l’année 400 un synode de vingt-neuf évêques appartenant presque tous aux diocèses d’Asie se réunit à Constantinople pour des affaires que nous ne connaissons pas, la session touchait à sa fin vers le mois de septembre, lors-