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son honnête habileté ; ce fut à cette époque qu’il contracta l’union qui devait faire le bonheur de sa longue vie et répandre sur ses derniers jours les douces et puissantes consolations d’une pieuse tendresse. Il épousa vers la fin de 1811 Mlle Césarine d’Houdetot, sœur de l’un de ses plus intimes amis ; elle était belle, peu riche, mais bien née, bien apparentée, aussi douce à vivre que charmante à regarder ; il lui a dû les plus agréables satisfactions mondaines et les joies domestiques les plus pures.

Au commencement de 1813, il obtint un congé pour venir passer quelques jours à Paris, où Mme de Barante devait faire ses couches. « Je fus invité, dit-il, à une soirée de l’impératrice ; il y avait peu de monde à ces sortes de réunions ; on n’y était pas en costume officiel, on y était en habit de ville ; on entrait dans le salon ; puis l’empereur et l’impératrice sortaient de leurs appartements, disaient quelques mots en passant aux personnes invitées ; ensuite on allait entendre un acte d’opéra italien représenté sur un théâtre portatif placé dans une salle voisine.

« Je m’étais accosté à M. de Fontanes, qui était un très agréable causeur à qui la musique italienne était antipathique. Après l’opéra, on rentra dans les salons de l’impératrice ; on lui servit un petit souper où elle fit asseoir à sa table quelques personnages importans ; dans un autre salon étaient ceux qui n’avaient pas été appelés à cette faveur. Nous étions, M. de Fontanes et moi, arrêtés dans l’embrasure de la porte qui séparait les deux salons, et nous causions. L’empereur, qui ne soupait pas, quitta le premier salon ; il s’arrêta et se mit à converser avec nous, ou, pour être plus exact dans mon récit, il commença par demander : — De quoi parlez-vous ? — M. de Fontanes eut la bonté de lui répondre : — Je parlais à M. de Barante d’un article sur Bossuet qu’il a inséré dans la Biographie universelle et qui mérite le succès qu’il a obtenu. — L’empereur me dit : — N’avez-vous pas fait un livre contre Voltaire ? — Je répondis : — Sire, sur Voltaire. — Oui, dit-il ; je sais que vous êtes fort impartial. — M. de Fontanes était accoutumé à ses façons jet lui donnait la réplique. Il aimait à être ainsi écouté et compris par des gens d’esprit ; quelques paroles témoignaient qu’on éprouvait de l’intérêt et du charme à l’écouter, et le mettaient en verve ; il excellait à prendre le ton et la tournure d’esprit de ceux sur qui il voulait agir.

« Il parla d’abord du projet qu’il avait de déférer la régence à l’impératrice ; il disait que ce pouvoir ne devait être confié à personne autre, car nul n’avait un dévouement plus certain et plus ferme pour le royal pupille. Il cita la mère de saint Louis et Anne d’Autriche, mère de Louis XIV, car, disait-il, Mazarin n’était qu’un