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travaux ; puis nous traversâmes le campement pour rejoindre les bords du canal maritime, qui franchit en ce lieu le point culminant du seuil. Nous contournâmes un amas de déblais, nous fîmes quelques pas en avant, et un spectacle grandiose frappa subitement nos regards.

A nos pieds, une immense vallée courait en ligne droite du sud au nord ; au fond, comme un long ruban, le canal maritime, allant quelques kilomètres plus bas remplir le bassin du lac Timsah ; sur la rive où nous étions, de hautes falaises, dont nous occupions le sommet, minées à la base par des essaims de travailleurs et drapant de leurs grandes ombres le fond de la tranchée. Des voies ferrées, rayonnant sur le fond du vallon, abaissé au niveau des eaux du canal, amenaient sous la pelle des travailleurs de longues files de wagons qui étaient chargés en un instant ; des locomotives accouplées à la tête de ces convois les remontaient aussitôt par des rampes ménagées dans la falaise jusque sur les pentes extérieures du plateau ; le convoi disparaissait dans l’éloignement, remplacé presque aussitôt par une autre file de voitures abandonnées à leur propre poids au sommet des rampes. Répercutés par les échos, les sifflemens de la vapeur, le souffle de ces puissantes machines, ajoutaient à l’effet imposant de cette scène. Nous avions visité une première fois les travaux d’El-Guisr en septembre 1862. À cette époque, 20,000 fellahs étaient distribués sur le parcours du seuil, et le creusage touchait au niveau de la mer ; une rigole de 8 mètres de largeur introduisait déjà, sur ce point les eaux de la Méditerranée. Le mobile de ce premier effort était de mettre en communication le golfe de Péluse avec la ligne du canal d’eau douce et de préparer ainsi la voie navigable qui rend tant de services aujourd’hui à l’ensemble des travaux. La rive orientale du canal, dans la traversée du seuil, fut dès lors considérée comme terminée. Le reste de la tâche consistait à reculer de 80 mètres l’autre rive, celle du côté égyptien, afin de donner à la surface des eaux toute l’étendue qu’elle doit avoir, et en second lieu à pousser le creusage jusqu’à la profondeur définitive. La première partie de ce travail, entreprise par M. Couvreux en 1865, était celle dont nous embrassions l’ensemble du haut de notre promontoire. Déjà sur de larges emplacemens le niveau des terres est amené sur toute la largueur du canal à celui des eaux qui coulent à côté ; les falaises disparaissent peu à peu pour faire place à la berge définitive. Dans un an, cet immense déblai, représentant 4 millions de mètres cubes, sera terminé, et à la suite des travailleurs viendront les dragues de Borel et Lavalley, chargées de l’œuvre sous-marine.

Un matériel aussi considérable que celui mis en œuvre sur les