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succèdent aux lacs Ballah ; parfois le canal traverse des terres plus élevées, que des escouades de travailleurs arabes achèvent d’enlever pour préparer le service des dragues. C’est à ces travailleurs empruntés à la population des lacs que l’on dut, à l’époque des corvées, les premiers travaux de cette partie du canal maritime. Il fallait tout d’abord créer à travers ces 60 kilomètres de lagunes un service régulier de batelage. De Port-Saïd à El-Guisr, les contingens creusèrent une première rigole les jambes dans l’eau, se servant de leurs mains, dont ils préféraient l’emploi à celui des outils, pour puiser la vase, qu’ils se passaient à la file jusqu’à la berge. Depuis lors tout a bien changé, quoiqu’il reste beaucoup à faire. Le canal maritime, encore peu profond, mais attaqué partout sur toute sa largeur, se présente parfois sous l’aspect définitif qu’il aura, celui d’une belle rivière de 100 mètres d’une rive à l’autre. La plupart du temps, deux premiers chenaux d’une vingtaine de mètres courent parallèlement en contact avec les berges définitives, laissant entre eux un îlot à fleur d’eau qui sera attaqué plus tard à son tour. Le problème de la traversée des lacs, au premier abord fort simple, paraît consister uniquement en un dragage d’approfondissement ; mais de graves objections, mises en avant par les adversaires du canal, inquiétèrent dès le début les ingénieurs eux-mêmes. Les boues semi-liquides retirées par les dragues du fond de la tranchée et rejetées sur ses bords n’allaient-elles pas s’affaisser progressivement et remplir le canal à mesure qu’il se viderait ? Cela eût présenté plus de difficultés encore que ces sables mouvans dont on avait tant parlé, et qui devaient, disait-on, combler les parties hautes de la tranchée ; mais dans l’un et l’autre cas une expérience de plusieurs années prouve que l’on s’était effrayé à tort. Il n’est pas douteux que le canal n’ait besoin d’un certain entretien ; mais n’en est-il pas ainsi de tous les ouvrages de l’homme ? Ce travail d’entretien, qui est indispensable dans tous les ports, dans tous les canaux du monde, a toujours été prévu. Pour en revenir aux terrains des lacs Menzalèh, les déblais, rejetés latéralement par les dragues, se dessèchent et acquièrent sous l’action d’un brûlant soleil une très grande consistance. À condition par conséquent de laisser aux berges une pente suffisamment légère, elles se maintiennent dans leur intégrité[1]. C’est sous l’influence des considérations qui précèdent que MM. Borel et Lavalley, d’accord avec les ingénieurs de la compagnie, ont décidé de porter la largeur du canal (à la surface des eaux), dans toutes les parties

  1. Les boues liquides n’existent d’ailleurs, à proprement parler, que sur les points où les anciennes branches orientales du Nil, aujourd’hui comblées, venaient se déverser dans les lacs Menzalèh.