Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inférieur à celui des dragues à long couloir : il n’enlève guère en moyenne plus de 400 mètres cubes par jour. Aussi les entrepreneurs n’en ont-ils pas accru le nombre depuis la première commande. L’emploi de ceux qu’ils possèdent restera néanmoins nécessaire sur certains points du parcours des travaux, sur les parties où le sol est trop élevé pour que l’on puisse décharger avec des couloirs la totalité du cube à extraire.

Le matériel à vapeur que MM. Borel et Lavalley possèdent aujourd’hui et avec lequel ils espèrent terminer avant trois ans leur gigantesque tâche, l’enlèvement d’environ 45 millions de mètres cubes, comprend 78 dragues, 22 longs couloirs, 18 élévateurs avec leurs 90 chalands-flotteurs contenant 700 caisses, 36 grands porteurs à vapeur pouvant tenir la mer, 72 chalands à clapet porteurs de déblais, 30 locomobiles, indépendamment d’un matériel accessoire tel que grues de déchargement, bateaux, citernes, chalands de transport. Tout ce matériel, dont l’ensemble représente une puissance de 10,000 chevaux-vapeur, a été commandé à l’industrie française et livré par elle dans les meilleures conditions. Une grande partie de ces engins fonctionne à l’heure qu’il est depuis un temps plus ou moins long ; le reste, déjà livré par les constructeurs et rendu à Port-Saïd, s’y trouve en montage. Il y a lieu de présumer qu’avant la fin de l’année la totalité des machines aura été mise en œuvre.

Port-Saïd s’annonce de loin par les mâtures des navires mouillés dans ses bassins. Nous en étions encore à quelques kilomètres, que le profil de ses toits et la tour de son phare se dessinaient depuis longtemps en lignes brumeuses à la limite de la plaine. Le canal se déployait dans toute sa largeur, une fraîche brise du nord faisait courir à la surface des eaux de petites lames courtes et rapides, une tempête en miniature. Une demi-heure plus tard, notre vapeur, après avoir longé le pied de quelques édifices, déboucha dans un vaste bassin intérieur au-delà duquel, par une coupure, apparaissait l’horizon de la mer ; nous venions de franchir le dernier kilomètre du canal maritime. Des dragues sous vapeur, des machines flottantes en montage, des remorqueurs, des chalands rangés par files, garnissaient les contours et les sinuosités intérieures de ce bassin ; sur les eaux, un mouvement incessant de porteurs et d’embarcations ; à terre, des chantiers, des cales de construction, des ateliers aux cheminées fumantes, partout le spectacle de l’activité et du travail ; un peu plus loin, sur la rive gauche, de grands navires de commerce dominant de leur masse noire une flotille de bricks et de caboteurs ; à travers le fouillis des gréemens, les maisons de la ville proprement dite en rangs serrés et cachant la mer : tel nous apparut Port-Saïd le 17 mars 1867. Ce n’était plus la dune déserte de 1860,