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ni le campement de 1862 ; nous avions sous les yeux une ville et un arsenal maritime.

Les premiers ingénieurs chargés des études du terrain de l’isthme avaient planté leur tente sur une étroite lagune de sable ou lido de 150 mètres de largeur à peine. Devant eux s’étendait la mer déserte, car aucun navire ne s’aventurait sur cette côte sans profondeur et sans abri ; derrière, les tristes lagunes de Menzalèh bordaient l’horizon comme une autre mer sans limites. Chaque jour, une barque semblable à celle qui les avait amenés venait à travers ces lagunes leur porter l’eau et les vivres de Damiette ; plus d’une fois ils eurent à souffrir de la soif. Une ligne fut tracée sur la dune ; il fut dit : « Là sera l’entrée du canal maritime ! » Aujourd’hui le voyageur étonné trouve au fond de ce golfe l’embouchure d’un fleuve, et sur les bords de ce fleuve une ville de 8,000 âmes, un chantier industriel de premier ordre. Les transformations successives de Port-Saïd ont suivi les phases du développement des travaux. Tout d’abord il fallut, pour ravitailler les premiers campemens, créer aux barques venant d’Alexandrie par mer un moyen de déchargement. Des pierres tirées des carrières du Mex, près de cette dernière ville, furent expédiées à Port-Saïd ; ces pierres permirent de construire une petite jetée perpendiculairement à la plage ; une grue fut installée à l’extrémité, les barques purent alors déposer leur cargaison à peu près à l’abri des vents régnans. Il y a loin de ce premier travail à la belle jetée qui aujourd’hui s’avance à 2,000. mètres du rivage, et derrière laquelle de grands navires d’un tirant d’eau de 5 mètres peuvent venir s’abriter. La veille de notre arrivée, un vapeur de 1,200 tonneaux, la Franche-Comté, de la compagnie générale de Marseille, était entre jusque dans le port intérieur, où il avait pu prendre ses amarres. Creusé actuellement à 5 mètres, le port sera accessible le 1er septembre prochain aux bâtimens ayant 6 mètres 50 de tirant d’eau.

L’établissement d’un port sur les rives du golfe de Péluse, sablonneuses et parcourues par des courans constans, demandait de sérieuses études hydrographiques[1]. Le creusement du canal maritime devait, en raison de la grande distance des fonds de 9 mètres, se prolonger jusqu’à plus de 3 kilomètres en mer ; mais les sables que les courans entraînent parallèlement à la côte dans la direction de l’ouest à l’est seraient venus incessamment combler ce chenal. Il fallait donc, pour obvier à cet ensablement, construire une jetée jusqu’à cette extrême distance. Dans le premier

  1. Ces études, ainsi que celles du golfe de Suez, ont été faites par M. Larousse, ingénieur hydrographe attaché au canal maritime depuis les premiers travaux.