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La lettre du pape est trop longue pour qu’il soit possible de la reproduire intégralement. Elle est d’un autre côté empreinte d’un tel accent de modération, de bonne foi et de dignité, elle est si importante par elle-même, elle jette un jour si complet sur les véritables dispositions du saint pontife, qu’il est nécessaire d’en citer au moins les principaux passages. Après avoir exprimé combien il avait été surpris à la lecture des doctrines et des insinuations émises dans les lettres qu’il avait reçues de l’empereur, Pie VII disait qu’il a se sentirait coupable de la plus indigne faiblesse, s’il négligeait d’opposer aux demandes qui lui étaient faites, aux principes qui étaient mis en avant, aux plaintes proférées contre lui, les réponses qui lui étaient dictées par le sentiment profond de la justice, de la vérité et de l’innocence. »


« Nous devons à Dieu, à l’église et à nous-mêmes, continuait le saint-père, nous devons à l’attachement que nous professons pour votre majesté, nous devons à sa gloire, qui nous est à cœur comme à elle-même, un langage libre et sincère, tel qu’il convient à la candeur de notre caractère et aux devoirs de notre ministère… Nous avons eu et nous aurons toujours pour votre majesté les plus grands égards ; mais nous ne pouvons cependant ni nous prêter aux choses absolument contraires aux obligations qui résultent inévitablement de notre double caractère de prince et de pontife, ni dissimuler les vérités dont notre conscience est intimement convaincue, ni enfin accéder à des exigences qui se trouvent en opposition directe avec le serment que nous avons prêté, à la face du Tout-Puissant et devant ses autels, de maintenir intacte à travers les siècles la garde du patrimoine de l’église romaine… Votre majesté veut que nous chassions de nos états tous les Russes, Anglais et Suédois et tous les agens du roi de Sardaigne, et que nous fermions nos ports aux bâtimens de ces trois nations, c’est-à-dire qu’elle exige que, renonçant à la paix dont nous jouissions, nous nous placions à l’égard de ces puissances dans un état de guerre et d’hostilité ouverte. Que votre majesté nous permette de le lui dire avec une parfaite sincérité, ce n’est pas en vue de nos intérêts temporels, c’est en raison des devoirs les plus essentiels et les plus inséparables de notre caractère que nous nous trouvons dans l’impossibilité d’adhérer à cette demande. Nous, vicaire de ce Verbe éternel, qui est non pas le Dieu de la discorde, mais celui de la concorde et de la paix, qui vint au monde, suivant l’expression de l’apôtre, pour mettre fin aux inimitiés de ce monde, comment nous serait-il possible de nous écarter du précepte de notre divin maître, et de nous mettre en opposition avec la mission à laquelle il nous a appelés. Ce n’est pas notre volonté, c’est celle de Dieu qui nous prescrit le devoir de la paix envers tous, sans distinction de catholiques ou d’hérétiques, de ceux qui sont proches ou éloignés de nous, de ceux dont nous pouvons espérer quelque