des lettres qu’il avait reçues de sa majesté. L’empereur est désormais averti de ne pas prendre dans ses propres sentimens la règle de sa conduite à l’égard des princes dont la situation et les dangers peuvent l’intéresser, et dorénavant il fera traiter par ses ministres toutes les affaires que, par des sentimens d’affection, il aimait à traiter lui-même ; mais sa majesté ne s’attendait pas que l’exemple d’un abus de confiance de souverain à souverain lui serait donné par le saint-père[1]. »
A Rome, la mauvaise humeur du cardinal Fesch n’avait pas été moins grande. Lorsqu’au sortir de la congrégation des cardinaux le ministre secrétaire d’état lui annonça la détermination prise par le saint-père, l’ambassadeur de France s’en montra « indigné et désolé[2]. » Le cardinal Fesch ne pouvait toutefois attribuer à son ressentiment la même origine qu’au courroux de l’empereur. C’était lui qui avait insisté pour qu’on fît connaître au sacré-collège les demandes de l’empereur dans les termes mêmes par lesquels il les avait signifiées au saint-père. Il avait d’abord commencé par accuser Consalvi de n’avoir soumis aux cardinaux que des questions qui pouvaient être captieusement posées ; c’était la lettre elle-même avec ses propres termes qui devait être mise sous les yeux de la congrégation. Le secrétaire d’état n’avait fait que céder à ces désirs ; mais voici tout à coup, comme le remarque Consalvi dans ses mémoires, que « ce qui avait plu à l’ambassadeur et ce qu’il avait lui-même ordonné était regardé comme un crime par l’empereur. La plainte était injuste, car le sacré-collège était le conseil-né du pape. Jamais il n’a été défendu à un souverain de communiquer à ses conseillers privés les pièces qu’il croit utiles à l’examen des questions qu’il soumet à leurs lumières. » Quant à la discrétion, il n’y a pas de conseil qui la garde mieux, remarque toujours Consalvi, que celui des cardinaux. « On a l’habitude de les mettre au courant des affaires les plus graves et les plus importantes sous le secret du saint-office, secret le plus rigoureux et le plus inviolable de tous. On ne leur avait parlé de la lettre impériale qu’avec infiniment de mystère ; on leur avait même défendu d’en souffler mot à leurs théologiens, afin que le secret restât exclusivement entre cardinaux[3]. »
Le cardinal Fesch n’ignorait aucun de ces détails, mais il voulait avoir, lui aussi, ses griefs personnels, purement imaginaires, et s’en plaindre avec éclat. Il reprocha au ministre du saint-siège de ne l’avoir pas invité à se rendre à la congrégation pour délibérer avec