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populaires, et les meetings en plein air n’ont pas d’orateur politique plus applaudi. Son énergie ne le cède en rien à son activité ; pressé sur tous les tons de renoncer à la manifestation, il a tenu bon, et malgré les prières et les menaces il a conduit dans Hyde-Park la foule triomphante. Les journaux radicaux parlent déjà de lui comme du futur grand chancelier d’Angleterre.

Nous avons déjà fait connaissance avec M. Bradlaugh, surnommé l’iconoclaste. Ce démolisseur est un petit clerc d’avoué fort jeune d’une physionomie accentuée dans laquelle se confondent l’obstination et l’exaltation : si ses principes, qui ne manquent pas d’adeptes, pouvaient prévaloir, les bases les plus essentielles de toute société seraient anéanties. Non-seulement il prêche et fait prêcher l’athéisme dans plusieurs villes, mais en tête de son journal, le National Reformer, il déclare que créer et détruire sont la même opération, que toute destruction est une action louable, et que le libre arbitre et la conscience sont au nombre des choses qu’il a résolu d’anéantir. Ces énormités sont propagées par lui à l’aide de petits pamphlets dans lesquels il n’épargne rien, pas même la pudeur. Dans ce pays où il n’est pas permis aux gens bien élevés de prononcer le nom d’une chemise, M. Bradlaugh ne cesse de préconiser publiquement le malthusianisme, cette monstruosité pour laquelle la langue française n’a pas de nom.

Les succès de ces deux hommes, qu’il serait peut-être injuste de confondre, ne devaient pas s’arrêter au 6 mai. Le lendemain de cette journée, ils recevaient l’adhésion de Garibaldi, qui, se faisant leur collègue, acceptait la présidence honoraire de la ligue de la réforme. Chose plus significative et plus curieuse encore, M. de Bismark leur adressait une lettre conçue dans les termes les plus flatteurs et les plus propres à enfler leur présomption et accroître leur témérité.

Si nous n’avons pas placé M. Bright parmi les triomphateurs du 6 mai, c’est qu’il se trouve actuellement un peu éclipsé par les deux nouveaux chefs de la ligue de la réforme, et qu’il a récemment perdu de sa popularité. ne d’une famille de quakers en 1811, M. Bright, qui a des intérêts considérables dans une grande filature de coton, s’est fait connaître d’abord par sa participation à la réforme des lois sur les céréales. Nommé membre du parlement en 1848 par la ville de Durham, il a généralement fait preuve du libéralisme le plus avancé et d’une âpreté de formes qui répond parfaitement à ce qu’annonce sa physionomie. Lorsqu’il est irrité, la violence de ses invectives devient telle que ses adversaires pourraient lui dire comme Lanjuinais au boucher Legendre : « Citoyen, fais décréter que je suis un bœuf, et ensuite tu m’assommeras. » Il