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même Broadhead pour rétracter cette déclaration, en lui nommant les personnes qui pourraient au besoin établir sa culpabilité.

Dans la même séance du 13 juin dernier, un autre témoin, Hallam, reconnut qu’il avait reçu 25 shillings pour avoir rattened son propre père ; mais malgré les charges les plus accablantes il ne cessa de rétracter les aveux qu’il avait faits en présence de plusieurs personnes et par lesquels il reconnaissait avoir reçu 15 souverains (375 francs) du même Broadhead pour une autre petite affaire (job), c’est-à-dire pour avoir tenté, d’après ses ordres, de faire sauter, à l’aide de vingt-huit livres de poudre à canon, la manufacture de MM. Wheatraan et Smith, où l’on employait une machine qui déplaisait aux unions. Malgré ses dénégations, les preuves accumulées contre Hallam étaient si fortes, qu’il fut immédiatement condamné à six semaines de prison pour son refus de faire connaître le nom d’un autre ouvrier auquel il attribuait d’une manière générale certains méfaits sans vouloir le compromettre nominativement. On lui annonça en même temps qu’une double accusation pour faux témoignage et incendie serait portée contre lui, s’il ne se décidait promptement à compléter ses aveux.

Comprenant alors le danger de sa position, cet Hallam se décida après la douzième séance de la commission à faire connaître la vérité. Indépendamment de l’horreur qu’inspiraient de telles révélations, cette séance a été surtout marquée par ce qu’on pourrait appeler l’agonie morale de cet homme qui, ayant personnellement commis ou ayant pour de l’argent aidé à commettre les crimes les plus horribles, des meurtres, des incendies, des violences de toute nature, sans avoir jamais témoigné la moindre hésitation, s’évanouissait à chaque instant, et éprouvait d’effroyables convulsions au moment d’ouvrir au public les noirs replis de son âme. — Pourquoi a-t-on tiré un coup de fusil au nommé Linley ? a demandé le président de la commission d’enquête, M. Overend, à Hallam. — Parce qu’il gênait les unions. Je causai de l’affaire avec le secrétaire Broadhead, qui me dit que nous aurions le lendemain une autre conversation, dont le résultat fut que, moyennant 20 livres sterling (500 francs), je me chargerais de la besogne. M’étant adjoint un nommé Crookes qui était un bon tireur[1], nous suivîmes Linley pendant six semaines toutes les nuits (excepté, bien entendu, le dimanche), et à la fin je forçai Crookes a tirer avec un fusil à vent sur Linley, qui mourut de sa blessure au bout de quelque temps. J’avais demandé 20 livres sterling ; mais Broadhead me dit que

  1. Broadhead a insisté dans une de ses dépositions sur ce point, qu’il choisissait des tireurs assez habiles pour être sûr que ceux-ci blesseraient ses victimes sans les tuer.