Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que contre Spinoza lui-même. Tels sont les travaux dont nous ferons connaître les résultats dans les pages suivantes[1].


I. — LES OEUVRES INEDITES.

La publication hollandaise des écrits inédits de Spinoza ne nous apprend rien de bien nouveau sur la vie de ce philosophe ; mais en revanche elle contient quelques détails curieux et dignes d’être recueillis sur les rapports de Spinoza avec ses disciples. On y voit assez clairement qu’il avait réuni autour de lui un certain nombre de jeunes gens dont il était comme le guide spirituel, et qui venaient chercher auprès de lui non-seulement la science, mais le bonheur, la paix de l’âme, le salut. C’était une sorte de petite église et même d’église secrète dont on ne révélait pas à tout le monde les croyances sacrées. Plusieurs passages des lettres sont explicites sur ce point.

Nous y apprenons par exemple que pendant que Spinoza séjournait à la campagne, ses jeunes disciples d’Amsterdam avaient formé une sorte de petite conférence où l’on s’exerçait à commenter et à développer la parole du maître. Un de ces jeunes gens, qui paraît avoir été le disciple favori, Simon de Vries, lui rend compte en ces termes des travaux de cette réunion. « Quant à la conférence en question, lui écrit-il, voici sur quel pied elle est instituée : l’un de nous, chacun à son tour, se met à lire ton traité et commente, selon sa pensée et dans leur ordre, toute la suite de tes propositions ; puis, s’il arrive que l’un ne réussisse pas à satisfaire l’autre, nous avons décidé d’en prendre note et de t’en écrire afin d’éclaircir nos doutes, et afin qu’avec l’on secours nous puissions défendre la vérité contre les superstitieux et les chrétiens, et soutenir l’assaut du monde entier. »

Spinoza, à la campagne où il s’était retiré, avait avec lui un jeune pensionnaire que M. Van Vloten croit non sans raison être le même que cet Albert Burgh, plus tard converti à la religion catholique, et à qui Spinoza écrivit à cette occasion une lettre terrible que nous possédons. Il paraissait déjà se défier de lui, même à l’époque où ils demeuraient ensemble à Rheinsbourg, et c’est ainsi que nous apprenons que Spinoza ne communiquait pas indiscrètement à tout le monde sa philosophie. Simon de Vries en effet lui avait écrit en ces termes : « Heureux, cent fois heureux, l’hôte qui demeure sous

  1. Je ne cite que ces trois ouvrages ; mais la littérature spinoziste s’est beaucoup enrichie depuis une dizaine d’années. On trouvera toutes les indications à ce sujet soit dans le livre cité de M. Van der Linde, qui contient la bibliographie complète du spinozisme jusqu’en 1862, soit dans le savant et substantiel précis de la philosophie moderne de M. Uberweg (Grundriss der Geschichte der Philosophie, dritter Tliiel, Berlin, 1866).