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militaire demandée ou consentie par le cabinet sarde ; mais nous en raisonnions comme d’un événement sans probabilité actuelle. Aujourd’hui ce n’est plus cela : le Piémont est tranquille, et l’Autriche n’ira pas, il est vrai, accroître ses embarras en y entrant ; mais d’un jour à l’autre ce qui se passe à Modène et à Bologne peut avoir un contre-coup à Gênes et même ici. Je me crois suffisamment autorisé par vos paroles, par la marche de notre gouvernement, à déclarer que toute intervention armée de l’Autriche est pour nous une rupture des traités ; et que nous aviserons selon notre honneur et notre intérêt à ce que nous aurons à faire. En vérité, dans l’état des esprits, je ne conçois pas l’attitude d’un ambassadeur de France qui en agirait autrement ; tout le prestige de force et de grandeur attaché à notre révolution de juillet serait effacé, ce serait le triomphe hautain de toutes les opinions hostiles à la France et aux principes qui y règnent, il n’y aurait plus ni crainte, ni respect, ni égards. » Et le lendemain 11 février : « A force de presser M. le comte de la Tour[1], que je vois au moins une fois tous les jours pour lui demander des nouvelles d’Italie et en parler avec lui plus qu’il ne voudrait, je crois être parvenu à me faire une idée plus précise des relations actuelles du cabinet sarde avec l’Autriche. Je lui témoignais encore une fois mes craintes que l’intervention autrichienne en Italie n’amenât des suites graves. — Mais, m’a-t-il dit, la France ne professe pas sur ce point de principe absolu ; elle admet que des motifs particuliers, un voisinage immédiat, peuvent motiver l’intervention ; l’Autriche a fait sur l’Italie des réserves qui ont été admises. — Je l’ignore, ai-je répondu ; mais ce que je puis garantir, c’est que rien de pareil ne m’a été dit ni écrit pour le Piémont ; je suis fondé à croire qu’en ce qui touche votre pays nous ne dérogeons en rien au principe de non-intervention. Je pourrais dire aussi qu’il en est de même pour le royaume de Naples. — Naples, cela se peut, a dit M. de la Tour, comme trône de la maison de Bourbon. — Ce motif a peu de valeur dans la politique actuelle ; Naples et la Sardaigne ont aux yeux de la France le même caractère. — Cependant, a repris M. de la Tour, je suis à peu près certain que, dans une conversation entre le comte Sébastiani et M. Appony, la Savoie fut prise pour exemple d’une intervention justifiée par le voisinage. — Est-ce à dire que l’Autriche pourrait intervenir pour le Piémont, et nous pour la Savoie ? Ceci serait trop grave, trop nouveau pour que mon gouvernement me le laissât ignorer ; nous regardons le royaume de Sardaigne comme un et indépendant, il n’est pas pour une moitié sous le patronage de la

  1. Alors ministre des affaires étrangères à Turin.