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politique a fait cette année en Angleterre une difficile et importante besogne : il a droit au repos et au plaisir. On peut considérer aujourd’hui comme achevées les épreuves du bill de réforme dans la chambre des communes. Le bill a été voté en comité ; il ne reste plus que la formalité du rapport et de la troisième lecture. On n’a jamais vu peut-être d’œuvre législative élaborée à la façon dont cette réforme constitutionnelle a été conçue et accomplie. On peut dire qu’elle est dans son ensemble l’œuvre de la chambre des communes. On voit ici un des plus heureux effets de l’initiative parlementaire. Tout ministère représentant obstiné d’un parti et d’une idée qui eût voulu imposer à la chambre la formule toute faite d’une loi électorale eût inévitablement échoué, comme échoua l’an dernier le parti libéral sous la conduite de M. Gladstone. Il n’était point possible de former dans la chambre des communes actuelle une majorité compacte et persévérante sur un plan de réforme systématique et exclusif. C’était un cas curieux de l’impuissance de l’initiative du pouvoir exécutif ; on n’aurait réussi à rien, si les représentans du peuple eussent été, comme chez nous, étroitement gênés par les restrictions imposées à leur initiative. La grande sagacité de M. Disraeli a été de comprendre une situation si étonnante, et son habileté a été de savoir s’y conformer. Le spirituel et prudent tacticien parlementaire a vu qu’il n’avait pour réussir d’autre rôle à remplir que celui d’intermédiaire entre les opinions et les intérêts contraires qu’il s’agissait de concilier par des transactions. Le leader des communes a persuadé à la chambre que c’est elle-même qui allait faire la loi électorale ; la présence du parti tory au pouvoir le rendant plus modéré et plus pratique, il fallait profiter de cette circonstance pour obtenir de lui des concessions qu’il aurait refusées dans la mauvaise humeur de l’opposition. Les grandes lignes du bill furent donc tracées par M. Disraeli sous une forme d’abord un peu restrictive et avare qui rassurait les timidités de son parti, et lui promettait d’ailleurs de larges ressources où puiser les concessions qu’il y aurait à faire au parti libéral. C’est donc à force d’amendemens où l’esprit libéral et l’esprit conservateur ont trouvé en tâtonnant leur équilibre, que le bill s’est formé, s’est étendu et a grandi. Ce caractère d’inspiration collective et de transaction équitable a produit une paix imprévue parmi les opinions. Jamais discussion parlementaire n’a été moins troublée de critiques amères et passionnées. M. Bright s’est apprivoisé de bonne heure et a trouvé son compte dans les principaux arrangemens accordés par M. Disraeli. M. Gladstone a été belliqueux à l’origine, mais il s’est rasséréné avec cette candeur qui est un des beaux traits de son caractère, dès qu’il a vu qu’au fond le cabinet ne faisait qu’inviter la chambre à composer avec impartialité la meilleure loi qui fût possible dans les circonstances présentes. Chacun des membres importans des communes avait le sentiment qu’il était nécessaire de mettre fin le plus tôt pos-