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système. » Le nouveau plan est en effet bien simple, et peut-être en saisit-on mieux la portée en lisant la réflexion qui se trouve quelques lignes plus haut dans ce même rapport. « Quel est le gouvernement, quelle est la famille même qui, ayant eu un de ses membres mêlé aux grandes affaires du monde, voudrait prendre l’opinion publique pour confidente, non-seulement de ses actions, mais de ses pensées les plus intimes. » Le prince a peut-être raison ; mais cela mènerait loin : après avoir expurgé les lettres de l’empereur, il faudra sans doute biffer les clauses de son testament, puisqu’à son lit de mort il a écrit : « Je pardonne à Louis le libellé qu’il a publié en 1820 ; il est plein d’assertions fausses et de pièces falsifiées. » Cependant, si d’un côté les mémoires du comte Miot de Mélito doivent être tenus en suspicion parce qu’ils accusent les divisions qui ont existé parmi les membres de la famille impériale, si d’un autre côté les lettres qui constatent ces mêmes divisions doivent être éliminées de la correspondance de l’empereur parce qu’elles le feraient apparaître au milieu des siens autrement qu’il n’aurait souhaité de se montrer à la postérité, si pour la même raison il faut cacher son testament, il est permis de se demander ce que devient l’histoire ainsi entendue. Je la conçois, je l’avoue, tout autrement. J’ai le culte passionné de la vérité ; je la cherche consciencieusement partout, et lorsque je crois l’avoir rencontrée, je m’efforce de la dire telle que je l’entrevois et sans aucun esprit de parti ; c’est mon intention du moins. M’est-il donné d’y réussir ? Le public en décidera mieux que son altesse impériale, qui n’est peut-être pas, malgré ses lumières, le juge le plus désintéressé en cette matière. Je tâche de faire en ce moment passer sous les yeux des lecteurs de la Revue un des épisodes les plus curieux et les moins connus de nos annales presque contemporaines. L’étude à laquelle je me livre avec toute l’attention et tout le scrupule dont je suis capable n’est pas, à coup sûr, le panégyrique enthousiaste de l’empire, elle n’en est pas non plus, ce me semble, la critique amère et malveillante. Si je commets quelque erreur, je ne demande pas mieux que d’être redressé ; mais je voudrais qu’on m’opposât des témoignages de nature à infirmer ceux que j’invoque. En attendant, je poursuivrai mon travail de la manière la plus impartiale, en indiquant toujours les sources où je puise et les documens dont je m’appuie. Ce ne sera pas ma faute si l’histoire ainsi rendue ne concorde pas tout à fait avec les légendes que plusieurs s’attachent à propager en France, et qui semblent avoir surtout cours à Ajaccio.

Agréez, monsieur le directeur, l’assurance de mes sentimens de considération les plus distingués.


D’HAUSSONVILLE.