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Dans la péninsule, ainsi que dans tous les pays orientaux, l’hiver est en général aussi froid que l’été est brûlant, et la neige rend les montagnes, qui sont le séjour favori des klephtes, impraticables une partie de l’année. De là la nécessité de descendre dans la plaine et d’y chercher un refuge pour quelques mois. Les pesmas nous entretiennent des périls que le haïdouk trouvait dans ces retraites peu sûres ; les chants grecs nous parlent aussi de semblables retraites. Syros de la Serbie et Nannos de Verria s’y montrent des hôtes tellement incommodes pour un papas et pour sa fille, que celle-ci s’écrie irritée de leurs façons soldatesques : « Moi je suis fille de papas, je suis fille de prêtre, — jamais je n’ai versé à boire à aucun capitaine. — C’est une honte pour moi, une honte aussi pour les miens, — une honte aussi pour mon père, qui est un seigneur. » Le célèbre Androutzos se conduisait probablement mieux avec ses hôtes de Prévésa, car « Tsarlambas lui écrit : — Viens, Androutzos, dans ma maison, viens y passer l’hiver, — et même je te ferai mon beau-frère, tu prendras ma sœur. » On usait de telles précautions pour cacher ces lieux de refuge que la mère d’Androutzos, à la fois fière et inquiète d’avoir des fils « capitaines, » demande aux voyageurs où est le « capitaine Androutzos. » — « Les uns disent il est allé à Prévésa, d’autres disent qu’il est allé à Parga. — Et Androutzos a hiverné dans les maisons de Tsarlambas. — Enfans, le printemps est arrivé, l’été est arrivé, retournons sur les monts, sur la cime de Liatroura (Parnasse). » Le klephte était quelquefois obligé de briser des liens déjà solides pour retourner dans la montagne. Un chant exprime cette situation avec un naturel parfait.


« Maintenant est mai, maintenant est la rosée, maintenant est l’été, — maintenant l’étranger peut retourner parmi les siens. — Il prend, il selle son noiraud (cheval noir), il le prend et le ferre. — Il met des fers d’or et des clous d’argent ; — il met ses éperons, ceint aussi son épée ; — il dit adieu à ses amis et à toutes ses connaissances, — et sa belle l’interroge avec des yeux pleins de larmes. — Tu vas partir, mon seigneur, et moi, où me laisses-tu ? — Je te laisse à ta mère, à tes amis, aux tiens, — et moi je vais trouver mes parens (frères d’armes). — Prends-moi, mon seigneur, mène-moi aussi là où tu iras, — pour que je prépare a manger afin que tu dînes, que je fasse le lit afin que tu dormes, — pour que je lave tes pieds dans le bassin d’argent. — Là où je vais, ma fille, les jeunes filles ne vont pas ; — la route est longue et a beaucoup d’amertume. — On ne fait pas la cuisine pour manger, ou ne fait pas de lit pour dormir, — on ne lave pas les pieds dans des bassins d’argent. — Reste, mon enfant, dans ta maison, reste chez tes parens, — et s’il arrive que je revienne encore, tu seras mienne. — Moi, je ne t’oublierai jamais, tout le temps que je vivrai. »


On sait que le klephtisme a continué de se maintenir en Grèce