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anciens, sont les plus rebelles à la charrue, auraient dû rester boisées. Les forêts, peu exigeantes, végètent sur les sols les plus maigres, et l’on se demande pourquoi elles ont disparu dans les contrées réfractaires aux autres cultures. L’inspection de la carte de M. Mathieu répond à cette question. Les contrées riches, agricoles, industrielles, sont en même temps restées forestières ; tel est le bassin de Paris depuis les Vosges jusqu’aux collines du Bocage, depuis le Morvan jusqu’à l’Ardenne ; telle est l’Alsace, tel est aussi le bassin de Bordeaux. Les contrées pauvres, sans agriculture ni industrie, ont aussi perdu leurs forêts. Le plateau occidental, le plateau central, tous deux essentiellement granitiques, sont dans ce cas. Ainsi la carte forestière peut jusqu’à un certain point nous indiquer le degré de prospérité de chaque région : contrée boisée, contrée prospère ; contrée déboisée, contrée pauvre ; il est peu d’exceptions à cette règle, qui d’ailleurs s’explique d’elle-même. La culture forestière n’est pas l’ennemie de la culture agricole, loin de là. Outre l’influence météorologique qu’exercent les bois au grand profit de la santé de l’homme et de la fécondité de la terre, ils fournissent des produits non moins indispensables à l’agriculture qu’à l’industrie, mais qui, d’un transport encombrant et onéreux, demandent à être employés ou consommés dans le voisinage des lieux de production. C’est donc principalement à des considérations économiques plutôt qu’à des circonstances géologiques qu’il faut attribuer la répartition des forêts sur le territoire de la France.

Voilà le point de vue d’ensemble. Si l’on entre dans le détail, c’est-à-dire si l’on examine à part chaque région, la géologie reprend ses droits, et l’on remarque alors que les parties restées boisées sont précisément celles qui n’offraient au blé, à la vigne ou aux autres cultures qu’un sol ingrat. Si nous étudions d’abord les plaines et les bassins, nous voyons que le bassin de Paris renferme de nombreuses et vastes forêts qui s’étendent sur les terrains triasiques formant à l’est une longue bande entre la Moselle et la Haute-Saône, puis sur les plateaux calcaires du terrain jurassique, depuis Mézières jusqu’à Poitiers, à travers la Lorraine, la Bourgogne et le Morvan, enfin sur les terrains crétacés inférieurs et sur les parties sablonneuses du terrain tertiaire ; c’est là que repose la large zone forestière qui de Montereau remonte la rive droite de la Seine et se dirige, par Sésanne, Épernay, vers les montagnes de Reims, de Laon. Telle est aussi l’assiette des forêts de Blois, d’Orléans, de Fontainebleau, de Saint-Germain, de Chantilly, de Compiègne, etc., qui entourent Paris de tous côtés, et dont les essences principales sont le chêne, le hêtre et le charme. Dans cette vaste région boisée, toutes les parties arables ont été défrichées et sont