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assumer la responsabilité d’entamer de plein gré des relations amicales avec les étrangers. Peut-être le nouveau gouvernement, plus libre dans ses allures, suivra-t-il une autre voie ; il semble même qu’on l’y prépare. Voici que l’an passé un fonctionnaire chinois, Pin-tchuen, s’est rendu en Europe avec une mission, non pas de politique ou de courtoisie, mais d’étude et d’examen. Il devait s’assurer par lui-même de ce qu’étaient effectivement chez eux ces Européens qui, en Chine, parlaient si arrogamment de leur supériorité. Pin-tchuen a visité Paris, Londres, Berlin, Saint-Pétersbourg, d’autres capitales. Son rapport, publié en Chine, sans doute après avoir été expurgé, ne respire pas, il est vrai, un grand enthousiasme. Il parle froidement de nos villes, de nos ports, de nos armées, de nos chemins de fer. Néanmoins il faut croire que ses entretiens confidentiels, plus explicites et moins réservés, ont produit des résultats, car un décret récent, approuvé par l’empereur lui-même, autorise la création à Shang-haï d’un collège que dirigeront des maîtres européens. Les sciences appliquées, la mécanique, la construction des machines à vapeur, voilà surtout ce que l’on veut enseigner aux Chinois. Ce sont les efforts réitérés des représentans des puissances européennes qui ont sans doute aidé à cette réaction.

L’abstention du gouvernement chinois à l’exposition n’est donc pas aussi significative peut-être qu’on serait porté à le croire. Quant à la population, on a déjà réussi en partie à la ramener sur les côtes, où la navigation à vapeur, la photographie, d’autres inventions européennes encore, sont déjà adoptées ; il en sera de même dans l’intérieur, si, sans prétendre imposer tout d’un coup des goûts, des habitudes, des lois en contradiction avec ce qui existe, on se borne à lui présenter ce qui est réellement et pratiquement utile, si on cherche à satisfaire à de vrais besoins sans froisser des préjugés qui se modifieront d’ailleurs d’eux-mêmes à mesure que les connaissances s’étendront, si enfin, en favorisant le développement du bien-être, en utilisant mieux les ressources, on habitue la masse à constater la supériorité de l’Europe. Elle-même alors aidera à triompher du mauvais vouloir des mandarins.

C’est à ce point de vue qu’il serait surtout utile d’étudier l’exposition chinoise, et c’est précisément à ce point de vue qu’on la trouve incomplète. On y admire des objets de luxe destinés à l’exportation ; mais on n’y découvre presque rien qui fasse connaître la vie intime des classes les plus nombreuses et les moins aisées, les artisans, les laboureurs, qui instruise de leurs goûts, de leurs besoins et de la manière plus ou moins défectueuse dont l’industrie locale sait y satisfaire. L’exposition est vide de ces quelques