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à une direction unique, absolue et sans rivale. La monarchie despotique et personnelle, adoptée par la Chine et les états de l’Indo-Chine, semblait la seule forme gouvernementale que les populations de l’extrême Orient fussent aptes à recevoir ; on dut bientôt reconnaître que le Japon se présentait sous un tout autre aspect. On croit savoir aujourd’hui qu’il constitue une société aristocratique et féodale, formée de princes ou seigneurs, possesseurs de domaines distincts, soumis à l’autorité supérieure d’un chef ou suzerain. On trouverait reproduite au Japon la constitution du royaume de France sous les premiers Capétiens ; Le taïcoun de Yédo aurait en ces contrées un pouvoir analogue à celui que la maison de France exerçait sur les grands vassaux, possédant en propre, comme elle, certains territoires, Yédo, Hakodadi, Nagasaki, Osaka, etc. ; il n’exercerait sur le reste du pays, partagé entre diverses familles plus ou moins puissantes, Satzouma, Nagato, Fijen, etc., qu’un droit de suzeraineté dont l’application dépendrait du degré de résistance que ses vassaux se trouveraient en mesure d’opposer. L’histoire du Japon nous est trop imparfaitement connue pour que je me croie fondé à établir une entière analogie entre les princes ou daïmios japonais et l’ancienne féodalité européenne. Les renseignemens que nous possédons, venant de Yédo, peuvent même n’être pas exempts d’une certaine partialité, bien que quelques faits actuellement acquis semblent en confirmer la véracité. Voici d’ailleurs comment on expliquerait l’origine de la suprématie que le taïcoun réclame sur l’ensemble du territoire japonais.

Il y a trois cents ans, l’autorité suprême appartenait au mikado, à la fois souverain politique et chef de la religion nationale, réunissant, comme le pape aujourd’hui dans les états pontificaux, le double pouvoir spirituel et temporel. S’était-il produit au Japon, dans les temps antérieurs, une suite d’événemens analogues à ceux qui s’accomplirent en France sous les descendans de Charlemagne ? La grande propriété, mise entre les mains des chefs militaires, se transforma-t-elle en quasi-souveraineté, ou bien le Japon a-t-il toujours formé une confédération de princes dont le mikado eut seulement la direction à raison de son caractère sacré ? On l’ignore. Toujours est-il que vers la fin du XVIe siècle Yeyas, héritier d’une famille à laquelle les mikados, devenus rois fainéans, avaient confié l’administration de leurs états comme à des maires du palais, s’appropria le pouvoir qu’il n’exerçait auparavant que par délégation, réduisit le mikado au rôle de grand-pontife, et, tout en l’entourant de respect, le relégua dans la petite ville de Miako après s’être fait transférer par lui, à titre irrévocable, le gouvernement temporel. Il paraît que le mikado, satisfait d’une riche liste civile, se résigna