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gouvernement n’a fait ouvrir qu’une seule mine d’argent, près de la grande muraille, en Mongolie, au-dessus de Pékin. Il se réserve toujours le monopole de l’extraction des métaux précieux, et limite volontiers l’émission de la monnaie. Pour être plus facilement autorisée, l’exploitation des mines de cuivre, de fer, de plomb, etc., du Tché-kiang et des autres provinces, n’est guère mieux conduite. Les étrangers n’ont pas été admis à s’en emparer, et les Chinois sont par eux-mêmes hors d’état de diriger de grands travaux. La Chine, qui pourrait fournir assez de fer pour la consommation du monde entier, importe aujourd’hui de pays moins riches qu’elle sous ce rapport du fer en barre, des clous, d’autres objets en fer manufacturé. On voit quel vaste champ reste ouvert à l’industrie pour suppléer aux fabrications dans lesquelles le travail étranger parviendrait à remplacer le travail indigène.

En résumé, la présence des deux plus grands pays de l’Asie orientale à l’exposition universelle, quelles que soient les conditions diverses dans lesquelles elle se manifeste, peut avoir une importance considérable sur la suite de leurs relations avec les peuples de l’Occident. Le public européen a le témoignage de ses propres yeux pour contrôler à certains égards les notions déjà acquises. En examinant ce que l’exposition lui montre de la vie matérielle et intellectuelle de ces peuples, il est à même de secouer certains préjugés, de se convaincre que, si parfois il a démesurément enflé leur richesse disponible, il n’a pas toujours apprécié leur civilisation réelle à sa juste valeur et s’est montré trop souvent enclin à faire bon marché des sentimens nationaux, des mœurs, des habitudes de populations plus nombreuses que celles de l’Europe entière. Ces nations, très régulièrement constituées, il a eu quelque disposition à les traiter comme s’il s’agissait des tribus de l’Afrique centrale ou des peaux-rouges du continent américain. Ce n’est pas en présumant trop de leur ignorance, ce n’est pas en voulant s’attribuer tous les bénéfices des échanges, que l’on réussira à nouer des relations durables et fructueuses avec des peuples qui ont eux-mêmes un sentiment très haut, peut-être exagéré, de leur valeur. Si on leur demande de se prêter à nos commodités, on leur doit en retour des ménagemens et des services. Les agens diplomatiques de la France dans ces pays sont largement entrés dans cette voie, ce sont leurs efforts constans et habilement dirigés qui modifient heureusement les anciens sentimens d’hostilité. C’est à nos négocians, au public, à faire le reste et à établir dans la pratique les relations individuelles sur le système des concessions réciproques.


P. DUCHESNE DE BELLECOUR.