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Toutefois, quelque augustes et puissantes que puissent être les images qui entretiennent la croyance, elles ne sont toujours que des images qui rappellent l’essence divine et ne la manifestent pas. La Divinité en elle-même reste invisible, comme dit saint Paul, et sous les symboles qui l’enveloppent il n’y aurait rien, si la foi dans l’idée était une illusion. Il faut avoir conçu qu’il y a un Dieu pour oser dire qu’un phénomène sensible est une manifestation divine. Ainsi le rationalisme est le fondement nécessaire de toute religion.

Aussi, quoique de pareils sujets, par leur gravité, par l’uniformité des questions et des solutions, ne semblent pas l’aliment naturel de la littérature périodique, on y est souvent ramené, et de nouveaux ouvrages viennent fréquemment attester une certaine préoccupation et même une controverse ouverte touchant les choses divines. L’examen de ces travaux est à sa place dans une Revue qui suit tous les mouvemens de l’esprit contemporain.

Nous avons trop souvent, dans ce recueil, dit notre pensée sur cette controverse, où la certitude même n’est pas sans mystère, pour être en droit de fatiguer encore le lecteur d’une exposition dont il connaît la marche et les résultats. Il sait que, peu confiant dans les efforts de l’imagination et dans les aspirations du sentiment, qui ne peuvent résister au doute et à la critique, pour atteindre à ce qui ne comporte aucune image et se dérobe dans l’invisible à toute sensibilité, nous croyons que le droit et la tâche de la raison est de parvenir à Dieu par l’idée de Dieu, et c’est en ce sens que nous écrivions tout à l’heure les mots suspects de rationalisme et d’idéalisme. Nous croyons que tout procédé différent pour aborder le problème, soit qu’il conduise à l’incrédulité, soit qu’il ait un résultat tout contraire, s’appuie sur un fond de doctrine tout empirique qui peut mener les esprits suivant leur pente diverse au matérialisme ou au scepticisme. La défiance de la raison humaine est au fond des erreurs les plus opposées en matière religieuse.

Plutôt que de renouveler une discussion pour nous épuisée, nous aimons mieux, par l’examen de plusieurs écrits dignes d’attention, signaler en quelques traits l’état des esprits et indiquer les dangers et les difficultés qu’en présence de la critique nouvelle la théodicée rencontre à s’engager sans précaution dans les voies où elle a longtemps marché avec trop de sécurité et de négligence.


I

« S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible, puisque, n’ayant ni portions ni bornes, il n’a nul rapport à nous : nous ne sommes capables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. Cela étant, qui osera entreprendre de résoudre cette question ? Ce n’est pas