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vie pratique. Si l’innéité d’une idée veut dire que, préalablement à toute expérience, nous nous rendions un compte explicite de l’idée générale qui trouve son application dans chaque expérience, il n’y a point en effet d’idées innées, et nos vérités intuitives sont d’abord comme enveloppées dans nos jugemens particuliers. M. M’Cosh met un prix peut-être excessif à justifier cette remarque, pour lui fondamentale, comme ensuite il donne peut-être avec trop de détail et d’étendue l’analyse des procédés par lesquels l’esprit érige en principes, en généralités que l’induction rend intuitives, les règles de l’expérience et de la raison. Ce n’est pas que la classification qu’il en donne soit sans mérite, ni que ses descriptions de la formation de nos connaissances manquent de justesse et de vérité. Il se montre assurément habile dans cette application de la logique à la psychologie, dans cette science inductive de l’esprit humain qui est le beau côté de la philosophie anglaise, et une fois en possession d’un système, à ses yeux complet, de nos convictions primitives, il passe de l’ordre intellectuel à l’ordre moral, et n’a plus qu’à poursuivre le rôle de ses principes dans la sphère de la métaphysique, des sciences et de la théologie. Notre sujet est non pas de rendre compte de cette philosophie dans son ensemble, si digne d’attention qu’elle nous paraisse, mais de nous arrêter un moment à la dernière partie ; c’est là que l’auteur se rencontre avec M. Calderwood.

Il refuse de lui accorder que nous ayons une nécessaire et immédiate connaissance d’un Dieu infini, et il semble non-seulement avoir en cela les faits pour lui, car dans l’antiquité païenne par exemple, même la plus éclairée, cette connaissance n’était pas commune mais il a de plus pour lui son propre système. Il a écrit pour établir que la principale base de nos connaissances réside dans nos intuitions, c’est-à-dire dans les convictions intuitives que nous suggèrent les objets particuliers de l’expérience et de l’observation. Ces convictions, élaborées, remaniées par la réflexion et l’induction, nous donnent, sous l’influence d’un examen plus ou moins approfondi, plus ou moins bien dirigé, l’ensemble plus ou moins étendu, exact plus ou moins, de nos connaissances et de nos idées. Selon que celles-ci sont induites ou déduites régulièrement et judicieusement de nos convictions intuitives et nécessaires, elles participent de leur nécessité, de leur certitude, et c’est ainsi que s’applique et se développe une faculté naturelle qu’on peut appeler la foi, c’est-à-dire la croyance dans ce qui, ne pouvant être perçu, nous est donné par l’analyse réfléchie de nos intuitions directes. Ainsi notre connaissance prise en bloc est une sorte de multiple, de mélange, quelque chose de cumulatif (c’est l’expression de l’auteur), et nos facultés, ou plutôt la raison qui en dirige l’emploi, y portent la