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connaître, par conséquent tout ce qui existe, et alors la critique que nous avons vue devenir positiviste, puis psychologique, devient de psychologique hégélienne.

S’il n’existe rien au-dessus ou au-delà de la série de conceptions des choses que traverse l’esprit humain, il n’y a plus d’autre Dieu que cela, et c’est pourquoi l’idéalisme de Hegel a pu être appelé panthéisme ; Le panthéisme est en effet le nom du troisième adversaire que M. Naville s’est proposé de combattre. Il n’y voit guère qu’une forme de l’athéisme, ce qui n’est pas toujours vrai, à, moins que l’on ne fasse dépendre l’existence de Dieu de tous les attributs qu’on lui suppose. Je crois parfaitement qu’une saine notion de la Divinité exclut le spinozisme, mais je ne me déciderais pas aisément à nommer athées tous ceux qui déterminent autrement que moi la notion de l’être nécessaire. Tout langage religieux est si près de dériver au panthéisme qu’il faut hésiter à confondre avec la négation de Dieu une obscure ou défectueuse notion de la Divinité. C’est surtout lorsqu’une doctrine se rapproche de l’idéalisme des néoplatoniciens qu’une grande réserve est commandée à ceux qui se hasardent à la juger. Cette réserve peut avoir quelquefois manqué aux adversaires de M. Vacherot, et sans appliquer cette observation aux remarques de M. Naville, je lui demanderai s’il est bien assuré d’avoir toujours distingué, entre les diverses doctrines suspectes de panthéisme, celles qui tendent à l’idéalisme de celles qui tournent au matérialisme.

Ses critiques toutefois sont généralement justes. L’auguste cause qu’il défend n’a pas dépéri dans ses mains, et les esprits sérieux trouveront dans son livre, exposées avec clarté, force et solidité, les raisons usitées et légitimes qu’on objecte à l’athéisme. Le ton est animé, le langage est oratoire sans déclamation, le talent d’écrire place cet ouvrage au-dessus des précédentes compositions du même auteur. C’est l’œuvre d’une philosophie sensée qui n’aspire pas à l’originalité et n’entend que fournir de bonnes raisons à la croyance. Quoique les doctrines contraires soient bien présentées, peut-être les plus fortes et les plus neuves des difficultés qu’elles peuvent alléguer sont-elles omises ou atténuées, et par exemple le problème de l’origine et de l’existence du mal dans la création demanderait un examen tout autrement approfondi ; mais on peut douter qu’il en fût mieux résolu, il risque trop d’être insoluble, du moins tant que la théodicée maintiendra certaines assertions gratuites qu’elle est hors d’état de démontrer. Dans cette question comme dans quelques autres, la discussion de M. Naville est un peu gênée par ses convictions chrétiennes. Quoique ce ne soient pas celles-ci qu’il cherche à établir, il tient pour beaucoup de motifs à n’y pas contrevenir, et cette manière de philosopher, très légitime d’ailleurs,