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cet heureux résultat. C’est autour du parti libéral reformé et fortifié que peuvent se grouper tous les élémens de résistance à l’établissement du césarisme ; ce parti en effet a été désorganisé, mais il n’est pas détruit pour cela, et au milieu de la confusion de tant d’opinions et d’intérêts divers que la constituante a fidèlement reflétée, ses contours se sont déjà nettement dessinés. Pour former cette assemblée, M. de Bismark a eu recours au suffrage universel direct, dont il attendait des résultats plus favorables que du système à deux degrés, adopté dans la constitution prussienne. Ce mode d’élection a, comme cela se voit presque partout, envoyé à la nouvelle assemblée des hommes appartenant aux opinions extrêmes, et les nuances intermédiaires se sont trouvées réduites à une insignifiante minorité. L’ancien parti libéral, qui dominait dans le parlement prussien, a été complètement battu.

Dans les anciennes provinces prussiennes, les collèges ruraux, sous la double pression des grands propriétaires et de l’administration, ont nommé des députés conservateurs, tandis que presque toutes les villes ont élu des candidats radicaux ou républicains. La ville de Berlin elle-même, peu touchée des avantages et de la position que les événemens de l’année dernière lui ont assurés, a eu le courage de refuser ses voix à M. de Bismark et au général de Roon pour les donner à deux hommes connus pour le rôle qu’ils ont joué en 1848 dans les rangs du parti républicain. Dans les nouvelles provinces prussiennes, sauf peut-être le Nassau, la majorité des députés élus s’est trouvée hostile au gouvernement prussien, l’aversion pour ce nouveau maître ayant fait faire cause commune aux libéraux et aux anciens conservateurs. Dans les états confédérés, les divers gouvernemens ont laissé le suffrage universel agir à sa guise, et il a donné naturellement les résultats les plus divers. La ville de Hambourg s’est montrée annexioniste ; dans le Mecklembourg, le suffrage universel est tombé au milieu d’un système féodal religieusement conservé : là, ce sont les paysans, encore soumis à des restes de servage, qui ont été chercher les candidats qu’ils croyaient devoir être le plus désagréables à leurs seigneurs. Ils ont naturellement choisi des radicaux. En général, les intérêts particuliers ont primé les opinions politiques, mais la somme des élections, dans tous les pays qui n’étaient pas prussiens avant Sadowa, a donné une forte majorité contre M. de Bismark.

Grâce à la représentation des anciennes provinces prussiennes, les deux partis se sont à peu près balancés dans l’assemblée constituante. M. de Bismark, qui ne pouvait compter absolument ni sur l’un ni sur l’autre, a voulu manœuvrer avec eux, comme il avait fait dans les chambres prussiennes. Aux conservateurs, qui le regardent comme un apostat, il a montré la volonté royale ; aux libéraux, il a mis le marché à la main, et leur a offert en bloc sa constitution. « Vous pouvez vous réunir pour voter contre moi, leur a-t-il laissé entendre ; mais vous ne vous accorderez jamais lorsqu’il faudra produire quelque chose, et, votre impuissance une