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européenne nous donneraient une bien faible alliée et la tueraient. La mission d’un bon gouvernement autrichien est de réparer des ruines. La disette financière est surtout le grand mal. Quand on retranche du revenu de l’état les sommes nécessaires pour l’établissement militaire et le service des intérêts de la dette, il reste 25 millions de florins, c’est-à-dire avec la perte actuelle du change à peine 40 millions de francs. Avec cela, il faut payer les dépenses de la cour, des tribunaux, de toute l’administration. C’est une ressource bien moins considérable que la recette de la Belgique ou de la ville de Paris. Ni le ministre ni le comité des finances n’indiquent de remède. Une paix durable et le bon vouloir des hommes capables de diriger l’opinion peuvent seuls guérir l’irritation haineuse que les actes de mauvais gouvernement ont excitée dans les populations de l’empire. Tout s’est aigri en Autriche par les fautes du despotisme et les misères qui viennent à sa suite : avec la liberté et le progrès vers le bien-être, les choses et les esprits s’adouciraient. La Hongrie est la partie de la monarchie qui est la plus heureuse cette année. Elle a eu les grandes fêtes de la restauration de ses libertés ; elle a maintenant une récolte magnifique qui l’aidera à payer les contributions en retard.

L’Angleterre a eu, elle aussi, ses visites de souverains, et n’a pas manqué l’occasion d’offrir une réception cordiale aux princes orientaux, le sultan et le vice-roi d’Égypte. Dans ces rencontres de monarques étrangers et de peuples, les manifestations anglaises sont plus vivantes que les nôtres. Chez nous, le cérémonial monarchique absorbe tout ; la nation anglaise met plus du sien dans ces fêtes. Cette apparition de rois mages à Londres a produit un curieux contraste avec les préoccupations actuelles des politiques anglais. La voilà touchant à sa fin, l’élaboration de la grande réforme constitutionnelle, de la nouvelle loi de la représentation du peuple anglais. Le sentiment universel est la surprise et la curiosité. La plupart des hommes publics d’Angleterre paraissent être frappés d’étonnement à la vue de la réforme radicale qu’ils ont introduite par un entraînement commun et à l’improviste dans la constitution électorale : ils attendent avec une curiosité stupéfaite les résultats d’une révolution qui s’est pour ainsi dire accomplie toute seule. La masse du parti conservateur a docilement obéi dans cette transformation à la direction de M. Disraeli. Quelques tories de mauvaise humeur ne pardonnent point au chancelier de l’échiquier sa hardiesse imprévue. Lord Carnarvon, un des ministres qui ont mieux aimé sortir du cabinet que d’accepter le household suffrage, a rappelé avec amertume l’opposition violente que M. Disraeli fit à sir Robert Peel en 1846 et 1847, quand le grand chef du parti conservateur, abandonnant la doctrine protectioniste, proposa l’abolition de la taxe des céréales. Lord Carnarvon reproche à M. Disraeli de commettre aujourd’hui la même faute que sir Robert Peel en 1846, de désavouer les principes de son parti, et de le désarmer par