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sépia dont le sujet était Pirithoüs et Thésée dans le Tartare. Quoique aucun de ces morceaux n’eût été l’objet d’une distinction particulière, Cornélius ne dédaigna pas d’en transporter plus tard certaines parties dans les fresques de la Glyptothèque de Munich. Vers le même temps, il fut chargé par l’entremise de M. Walraf, dernier recteur de l’université de Cologne, avec qui son métier de dessinateur l’avait mis en relation, de décorer le chœur et la coupole de l’église de Saint-Quirin à Neuss. Il y peignit en grisaille et à la détrempe les apôtres, les évangélistes et plusieurs figures d’anges. On trouvait, à ce qu’il parait, dans ces peintures, maintenant détruites, la hardiesse de conception et la grande tournure qui caractérisent les ouvrages postérieurs du maître.

On peut voir dans le Tambour Legrand, de Henri Heine, une vive image de Dusseldorf à la veille et au lendemain de 1806. La présence de l’étranger vainqueur attestait la chute profonde de l’Allemagne, et la plupart des esprits étaient portés instinctivement à se dérober au sentiment des catastrophes présentes. La littérature, sortant de sa placidité classique, se plaisait à évoquer les grandeurs passées de la patrie. La curiosité fervente d’un certain nombre d’amateurs, de MM. Sulpide et Melehior Boisserée, de M. Jean Bertrand, de M. Walraf, exhumait les peintures oubliées du moyen âge germanique et ajoutait à l’histoire de la vieille école allemande un ou deux siècles de gloire. Cornélius visitait assidûment les précieuses collections de Cologne. La situation de sa famille s’étant améliorée en 1809, il avait pu quitter Dusseldorf et s’établir à Francfort, où il trouvait un plus vaste théâtre. En compagnie de quelques amis animés de la même ardeur que lui, il se livrait à des travaux plus libres. Si pour vivre il faisait encore des portraits au jour le jour, il peignait à l’huile pour le prince de Dalberg une sainte famille, visiblement inspirée des anciens maîtres de Cologne et de Nuremberg, dans laquelle il donnait à sainte Anne les traits de sa mère. Il exécutait dans une maison particulière des peintures décoratives dont il ne reste malheureusement que les esquisses. De plus il méditait et il poussait rapidement une entreprise plus audacieuse et plus neuve : il tentait d’interpréter dans une suite de quinze dessins les scènes capitales du Faust. Le voisinage de la maison où Goethe avait vu le jour, l’impression produite sur l’artiste par la vieille cité impériale, furent-ils pour quelque chose dans les motifs qui dirigèrent son choix ? En vérité, le bruit que faisait alors le romantisme, l’ascendant qu’il exerçait, le goût de plus en plus répandu du moyen âge, enfin l’étude attentive que Cornélius consacrait depuis longtemps aux maîtres du XVe et du XVIe siècle, expliquent assez son dessein sans qu’il faille recourir pour s’en