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noms des édifices, y sent, avec l’improvisation, le pédantisme d’une érudition professorale. Amateur et poète, libéral et ultramontain, flatteur captieux des artistes qu’il employait en même temps que protecteur exigeant, passant presque sans intervalle de l’engouement à une jalousie défiante et au dédain, sujet à des frasques périlleuses pour lui comme pour les autres, Louis de Bavière semble avoir imprimé aux travaux accomplis sous ses auspices quelque chose de l’incertitude de son humeur, de l’impatience fiévreuse qu’il éprouvait de jouir sans délai des chefs-d’œuvre dont il faisait les frais, et qui a gêné plus d’une fois la liberté des artistes. La résidence bavaroise, telle qu’il l’a voulue, n’a ni la somptuosité de Gênes, de Florence, de Venise, ni la grandeur attachée aux créations populaires : cet olympe royal est une création à la fois maigre et hâtive, et l’on se prend à douter, malgré le bon vouloir auquel on ne peut refuser son hommage, si les effets de ce mécénat ont répondu aux prétentions qu’on lui a vu afficher et à la dépense de talent et d’argent dont il a été l’occasion. Cornélius, pour sa part, n’a pas été sans en souffrir.

Jusqu’en 1824, époque où il remplaça Pierre de Langer dans les fonctions de directeur de l’académie de Munich, Cornélius dut se partager entre l’enseignement et la production, entre Dusseldorf, où il restait tout l’hiver, et la capitale de la Bavière, où il allait travailler pendant l’été. A vrai dire, dans ces deux villes, il poursuivait la même œuvre, se préparant à Dusseldorf, parmi ses élèves, les auxiliaires qui devaient bientôt l’accompagner à Munich, Sturmer, Stilke, Schorn, Eberle, Kaulbach, etc. Il exerçait dans l’école un ascendant incontesté qui tenait également à l’attachement filial qu’il avait su inspirer, à la hauteur de sa pensée et à l’ardeur contagieuse de ses convictions. Son enseignement reposait sur des principes à la fois justes et élevés. Il insistait sur l’étude persévérante du nu, à la condition qu’on y joignît l’observation des manifestations variées de la vie. Encore dominés par l’éclat sans pareil de la littérature contemporaine, ses élèves étaient portés à emprunter les scènes des poètes : Cornélius leur enseignait, avec raison que l’artiste ne doit pas se subordonner à l’écrivain, et qu’en s’échauffant à la flamme poétique, en composant d’après le poète, il doit composer librement comme lui ; mais lui-même, par ses illustrations du Faust et des Nibelungen, aussi bien que par l’esprit général de ses travaux, ne donnait pas un exemple sans danger. L’action qu’il a exercée comme professeur lui a attiré le double reproche de ne pas laisser assez libre jeu aux facultés originelles de ses élèves, c’est-à-dire de les enchaîner sous le joug d’une conviction despotique, puis de ne pas leur inculquer avec assez de soin la partie