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Lorsque le moment est venu pour l’assemblée de décider la question à l’ordre du jour par une épreuve, le speaker se lève et prie les étrangers de se retirer : Strangers must withdraw. Cet avis ne s’adresse pourtant point aux curieux qui sont assis dans les galeries : ceux-là sont censés ne point exister. Les étrangers que le président a en vue sont des pairs, des hommes d’état, des ambassadeurs qui par une faveur spéciale se trouvent admis sous l’horloge, dans l’enceinte même de la chambre, quoique sur des sièges distincts et à une certaine distance des bancs parlementaires. Ces derniers sortent tandis que les autres visiteurs restent à leur place. Le sablier dont nous avons indiqué l’usage mesure alors deux solennelles minutes. Durant ce temps-là, des sonnettes répandues dans tout l’édifice et que met en mouvement un système d’électricité avertissent à la fois les députés qui peuvent se trouver dans la bibliothèque, dans la salle des rafraîchissemens ou dans toute autre chambre voisine. Dès que le sable a cessé de couler, les sergens d’armes ferment les portes, et tant pis pour les membres attardés, ils sont définitivement exclus du vote. Le speaker lit alors la question sur laquelle il s’agit de décider, puis il invite d’après le langage consacré « les oui (ayes) à se diriger vers la droite et les non (noes) vers la gauche. » Les députés, divisés en deux files, se rendent ainsi dans l’un ou l’autre" des deux corridors (lobbies) qui règnent de chaque côté de la salle des séances.

Que se passe-t-il alors dans chacun de ces lobbies, absolument semblables, garnis de fauteuils et chauffés pendant l’hiver par une grande, cheminée de marbre blanc ? A un endroit où le couloir forme un coude se trouvent un barrage en fer et un pupitre élevé sur une estrade, entre lesquels il ne saurait passer qu’une personne à la fois. Devant le pupitre se tiennent deux compteurs (tellers) désignés par le speaker et appartenant à l’un et à l’autre des deux partis qui sont en train de voter[1]. Au fur et à mesure que chaque député franchit la barrière, les tellers le comptent, et deux secrétaires (clercks), tenant en main la liste imprimée des membres de la chambre, marquent son nom par un trait. Ceux qui viennent de satisfaire au péage, car un tel mécanisme rappelle exactement ce qui a lieu tous les jours sur certains ponts de Londres ou à l’entrée des théâtres pour percevoir la recette, rentrent alors un à un dans la salle des séances, où ils attendent sur leurs bancs le résultat de l’épreuve. Lorsque tout le monde a passé par la voie étroite en y donnant son vote, les tellers font l’addition et s’avancent alors tous

  1. Le plus souvent un des tellers est l’auteur même de la proposition qui divise l’assemblée, et l’on cite des cas assez curieux dans les annales parlementaires où ce compteur n’avait à compter que lui-même.