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sont posés de manière à mettre une étoffe en vogue et savent couvrir leur retraite en cas d’échec. Une impulsion est ainsi donnée par l’élite ; le gros de la fabrique cède au courant.

Dans ce régime militant, la draperie de nouveauté trouve, comme on va le comprendre, un puissant moyen de défense contre le produit étranger. Si déjà pour nous-mêmes le métier est difficile, si nos fabricans ne sont pas toujours sûrs de rencontrer juste dans le choix de leurs étoffes de saison, s’ils sont tenus, sous peine d’échec, d’étudier les variations du goût public et d’y conformer leurs services, combien ces entraves et ces risques ne s’aggraveraient-ils pas pour le fabricant anglais, belge ou autrichien ! Puis que de charges en surcroît : les frais de transport, les assurances, les commissions, les droits d’entrée ! Voilà plus qu’il n’en faut pour décourager la spéculation la plus téméraire. S’appliquât-elle à quelques types fixes, que les types mobiles, les seuls en vogue, lui échapperaient ; tout envoi arriverait à contre-temps et trouverait la place prise. On a vu en effet que la tenue de la draperie de nouveauté sur les marchés régulateurs est pour ainsi dire commandée par des engagemens préalables ; dès lors les quantités en excès se trouveraient en face d’acquéreurs pourvus et de besoins remplis. Un écoulement n’aurait lieu qu’au prix de grands sacrifices, et de semblables opérations ne se renouvellent pas ; ce sont des leçons qui datent. Cette catégorie d’étoffes est donc hors d’atteinte ; ni Huddersfield, ni Leeds, ni Verviers, ni Brunn, n’entameront Elbeuf, Louviers et Sedan. Tout au plus y aurait-il quelque chose à craindre des comtés de Wilt et de Glocester, qui sont restés fidèles à la draperie sévère, si leurs prix n’étaient pas sensiblement au-dessus des nôtres. Toutes ces localités ont d’ailleurs des expositions qui ne laissent rien à désirer. Elbeuf et Sedan soutiennent dignement leur nom, Verviers est en plein essor, Brunn plutôt en déclin. Dans la draperie moyenne, nous avons Vienne et Vire, qui, avec leurs unis et leurs articulés noirs et de couleur, poussent aussi loin que possible la modération des prix unie à la solidité de l’étoffe ; il en est de même de la Lorraine et du Languedoc, où sont situés les établissemens qui fabriquent nos draps de troupe. Pour ces divers articles, on arrive à la dernière limite d’un rabais régulier.

Voici maintenant des cas où cette limite est dépassée, Dans la section anglaise et sur la droite de la galerie du vêtement règne une suite d’étalages à découvert garnis de coupons de drap avec leurs étiquettes. On y lit non-seulement le nom des villes qui les exposent, Leeds, Huddersfield et Halifax, mais encore les dimensions et les prix des étoffes exposées. La curiosité est piquée ; on s’arrête, Ce n’est pas que l’objet en vaille la peine, rien de plus