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grossier, c’est un simple feutrage ; l’intérêt est dans l’étiquette, à la mention des prix. Les plus chers de ces draps sont cotés à 2 francs 50 centimes le mètre ; les autres vont en diminuant jusqu’à 1 franc 75 centimes ; il y en a de toutes les nuances et de toutes les combinaisons ; quelques-uns, tout inférieurs qu’ils sont, ont la prétention d’être des œuvres d’art. Un mètre de drap de largeur ordinaire à franc 75 centimes, c’est à n’y pas croire. Avec quelle laine a-t-on pu le confectionner ? quelle main-d’œuvre superficielle y a-t-on appliquée ? Voici le mot de l’énigme : jusqu’à ces derniers temps, on n’avait pas songé à tirer parti des débris de nos vêtemens, ni à restituer aux fabriques sous la forme de chiffons les matières qui en étaient sorties sous la forme de draps. Les haillons du pauvre et les rebuts du riche ne servaient guère que d’engrais à la vigne et au houblon. Il y avait là une lacune, on l’a comblée. Une fabrication de seconde main existe aujourd’hui ; elle est florissante, on a essayé de la relever par le nom, c’est en termes de fabrique de la renaissance. Les chiffons de laine, ramenés dans les ateliers, y sont soumis à un défilochage, passés au chlore, blanchis et cardés. Comme la substance est énervée, on la traite par le feutrage, et, vu son prix, on la prodigue. On compose de la sorte des étoffes très épaisses qu’on envoie à l’impression et qu’on décore de dessins dans le goût populaire. Cela ne vaut guère que le prix marqué ; l’étoffe a une raideur qui la rapproche du carton ; elle fait poche partout où la pression du corps s’exerce. Tels quels, ces draps ont néanmoins leur place dans la consommation, et, bien que sur une moindre échelle que les Anglais, nous en répandons dans le commerce. Les halles qui ont une clientèle rurale en sont pourvues ; les magasins de confection en emploient des quantités considérables ; on y découpe ces habillemens qui garnissent les devantures et se recommandent à la foule par la modicité des prix. Avec du drap à 2 francs le mètre et les machines à coudre, on peut fournir le public à bon marché et glaner encore quelques bénéfices.

Des industries du vêtement, il ne reste à mentionner que les chanvres et les lins pour clore cette série ; peu de mots suffiront. C’est la même famille que les soies, les cotons et les laines ; la plupart des traits sont communs. Le régime est exclusivement manufacturier pour le filage ; il est manufacturier ou domestique pour le tissage, suivant les localités. Cette industrie est d’ailleurs très vigoureuse ; elle profite aux champs et à l’atelier dans un cumul d’activité et de richesse, et n’expose pas les populations aux troubles et aux incertitudes d’un approvisionnement lointain. Le seul inconvénient est l’insalubrité qui accompagne une partie des travaux ; elle est insalubre au rouissage, insalubre également dans