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continens eux-mêmes se sont élaborés au sein des mers, que sans elles le sol, pareil à une surface métallique, ne pourrait donner naissance à aucun organisme. Ainsi que le racontent poétiquement presque toutes les cosmogonies des peuples primitifs, la terre est « fille de l’océan. »

Ce n’est point là simplement un mythe, c’est la réalité même. L’étude des couches terrestres, grès, sables, argiles, calcaires, conglomérats, prouve que les matériaux des masses continentales ont en grande partie séjourné au fond de la mer et qu’ils y ont pris leur forme et leur composition. Même sur les flancs et les sommets des plus hautes montagnes, actuellement soulevées à 5 et 6,000 mètres au-dessus du niveau de l’océan, on trouve les traces de l’antique séjour et de l’action des eaux marines. D’autres terres, aujourd’hui submergées, vont s’élever à leur tour, tandis que, soit par érosion, soit par affaissement, des fragmens des plaines et des montagnes retournent au sein des eaux pour s’y modifier encore. Par cet incessant renouvellement des roches, l’océan crée chaque jour, pour ainsi dire, une terre différente de l’ancienne. Aussi, dans l’esprit du géologue, le fond invisible des mers ne devrait-il pas avoir moins d’importance que la surface émergée des terres : le sol qui nous porte aujourd’hui, nous et nos cités, disparaîtra comme ont déjà disparu totalement ou en partie les continens des époques antérieures, et les espaces inconnus que recouvrent les eaux surgiront à leur tour pour s’étendre à la lumière du soleil en masses continentales, en îles, en péninsules.

Durant la longue période de siècles ou d’âges géologiques pendant laquelle les terres sont baignées, non par les flots marins, mais seulement par les ondes de l’atmosphère, l’océan n’en continue pas moins de modeler la surface du globe par les nuages, les pluies et tous les météores qui prennent naissance à la surface des. eaux. Tous ces agens de l’atmosphère qui s’acharnent contre les sommets des monts, qui les ravinent et les abaissent peu à peu, c’est la mer qui les envoie ; tous ces glaciers qui polissent les roches et poussent devant eux dans les vallées de puissantes moraines de débris, ce sont les nuages venus de l’océan qui les déposent sous forme de neige dans les névés des montagnes ; toutes ces eaux qui pénètrent par les failles dans les profondeurs du sol, qui dissolvent les rochers, percent les grottes, entraînent à la surface les substances minérales et causent parfois de grands éboulemens souterrains, que sont-elles, sinon les vapeurs marines retournant à l’état liquide vers le bassin d’où elles étaient sorties ? Enfin les innombrables rivières qui répandent la vie sur tout le globe, et sans lesquelles les continens seraient des espaces arides et complètement