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et savoir appliquer à tous les phénomènes d’accélération, de retard, de croisement, d’interférence, d’équilibre, les formules les plus compliquées des hautes mathématiques ; enfin, et c’est là ce qui est aujourd’hui le plus difficile, il importe de ne rien ignorer de la forme des rivages et des inégalités du fond de la mer. Chose étonnante, les savans ne sont pas même d’accord sur l’importante question de savoir où se produisent les premières ondulations de la marée sous l’influence combinée de la lune et du soleil. D’après le physicien anglais Whewell, dont les idées ont été acceptées sans objections par la majorité des hydrographes, le vrai « berceau des marées » serait cette grande nappe continue des eaux qui recouvre presque toute la surface de l’hémisphère austral : c’est là que la masse liquide, peu d’instans après le passage de la lune au méridien, atteindrait son niveau le plus élevé, et formerait cette première oscillation régulatrice à laquelle la surface de toutes les mers obéirait ensuite de proche en proche, de même qu’une corde secouée à l’une de ses extrémités remue jusqu’à l’autre bout en vibrations rhythmiques. De ce bassin central, le mouvement se propagerait en trois grandes ondulations latérales dans le Pacifique boréal, dans l’océan des Indes, dans la vallée tortueuse de l’Atlantique ; mais, par suite du retard éprouvé par la vague de marée dans le trajet, de plus de 10,000 kilomètres accompli des mers antarctiques aux côtes de la Grande-Bretagne, c’est après un voyage de deux jours et demi seulement qu’elle atteindrait l’embouchure de la Tamise. Suivant la théorie de Whewell, la lune aurait donc eu le temps de soulever cinq marées consécutives dans l’Océan austral avant que le mouvement de la masse liquide se fût propagé jusqu’à l’entrée de la Mer du Nord. D’après Fitz-Roy, au contraire tout bassin océanique nettement limité est le berceau de ses propres marées. L’ondulation commencerait au centre de chaque mer pour se propager vers les rivages environnans comme une grande ride circulaire au diamètre incessamment élargi. Les marées de nos côtes ne seraient donc point celles qui ont pris naissance dans la Mer du Sud. Ce qui confirme cette idée, c’est que les divers océans sont séparés les uns des autres par des espaces où la marée régulière est à peine sensible. Ainsi entre l’Atlantique boréal et l’Atlantique austral il existe une large zone où le flux ne change guère le niveau maritime de plus de 60 à 90 centimètres. Enfin, d’après la théorie de Whewell, c’est du sud au nord que devrait se propager le flot sur les côtes de la république argentine et du Brésil, tandis qu’au contraire le mouvement se porte du nord au sud, de Pernambuco à l’estuaire de la Plata. Il semble donc très probable que chaque grand bassin de l’Océan a ses marées