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allant de Novare à Solferino, où elle a gagné la Lombardie, de Custoza à Venise, arrachant par la politique ce que la force des armes lui refusait.

Ce nom de Custoza, le dernier qui ait retenti dans les luttes italiennes, ne sonne guère en effet que comme un nom de déroute ; il s’est éteint dans le bruit des victoires prussiennes, et peu s’en faut que l’Italie n’ait paru recevoir Venise, le complément de son indépendance, comme une dépouille opime des mains d’un allié généreux. La Prusse elle-même ne s’est pas fait faute de se poser en protectrice payant d’un prix opulent un secours inefficace. — L’Italie, il est vrai, a été moins heureuse que la Prusse dans son dernier duel avec l’Autriche ; elle a éprouvé cette cuisante mortification d’avoir passé six ans à se faire une armée pour voir s’évanouir ses rêves d’orgueil militaire entre le lever et le coucher d’un soleil d’été, presque en face des positions où elle avait combattu et vaincu avec la France en 1859. En réalité pourtant, c’est l’Italie qui, en s’alliant avec la Prusse, donnait plus qu’elle ne recevait ; elle portait à la Prusse sa popularité, le prestige de son droit, la neutralité de la France et une puissance militaire trop jeune encore peut-être pour vaincre, mais assez imposante pour retenir sur le Mincio et l’Adige 200,000 hommes dont la présence eût probablement changé la face des choses sur l’Elbe, Sans la Prusse, l’Italie aurait toujours eu Venise ; sans l’Italie, la Prusse eût-elle osé jouer la redoutable partie qui lui a donné l’Allemagne ? Que serait-il arrivé si l’Autriche, plus clairvoyante, mieux inspirée, eût concentré son énergie sur un seul champ de bataille, si elle ne se fût laissée aller, pour se donner l’orgueilleux plaisir de Custoza, à affronter Sadowa avec des forces diminuées ? D’ailleurs cette bataille de Custoza, inutile à l’Autriche, utile à la Prusse seule, douloureuse au premier moment pour l’Italie, cette bataille si peu connue a été sans doute une défaite, mais une de ces défaites qui, loin d’abaisser un pays, le relèvent en devenant pour lui une fortifiante épreuve et un viril enseignement.

Dans cette guerre de 1866 qui, à peine commencée, à fini par un coup de foudre et par une confusion universelle, il y a deux choses qui se lient intimement : une campagne diplomatique, obscur prologue de la lutte, et la campagne militaire qui en a été la suite, qui s’est déroulée en quelques jours. Diplomatiquement, l’Italie s’agitait, il y a deux ans encore, dans une de ces situations qui n’ont rien de définitif et ne peuvent se prolonger longtemps. L’Italie était-elle en guerre, était-elle en paix avec l’Autriche ? Ce n’était ni la paix ni la guerre, c’était tout au plus une trêve. Tant que l’Italie en était à son vieil état de morcellement ou même dans la nouvelle organisation fédérative qu’on avait un moment rêvée pour elle, la présence de l’Autriche restait peut-être possible