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curieux d’observer un mouvement tout contraire dans la grande nation orientale, la Russie. La religion et la langue sont les deux instrumens à l’aide desquels la politique russe travaille sans relâche à l’assimilation des races placées sous la domination moscovite. Le parti démocratique pousse son gouvernement dans ce système, si cruel pour ceux qui en sont victimes.. Il cherche, comme c’est l’application de tous les pouvoirs usurpateurs, à former dans les classes rurales les élémens favorables à la Russie. Ce système n’a rien qui puisse aujourd’hui surprendre quand il s’agit de l’exercer sur la Pologne, depuis longtemps condamnée aux plus brutales persécutions ; mais la manie de la russification se tourne maintenant vers d’autres provinces de l’empire, celles de la Baltique. La classe supérieure dans les provinces de la Baltique est allemande de race. Depuis que cette contrée a été enlevée à la Suède, elle n’a jamais donné de sujet de plainte au gouvernement russe ; elle ne s’est livrée à aucune expression de mécontentement, à aucun effort de résistance. La religion dominante était le luthéranisme, la langue ordinaire et officielle était restée l’allemand. Aujourd’hui, sans y être provoqué par aucun grief contre ces populations allemandes de la Baltique, on travaille à changer tout cela. On retire à l’allemand son privilège de langue officielle, et on le remplace par le russe ; on introduit le russe dans toutes les écoles, et on encourage dans les populations rurales, composées de Finnois et de Slaves, les conversions au culte orthodoxe par des distributions de terres prises sur le domaine impérial. Ces mesures sont une cause de vexation pour la population des villes et les classes éclairées et commerçantes, qui sont tout allemandes. Il n’y a point là seulement une agression contre une race, une lutte engagée contre un culte dissident ; la nouvelle politique de la Russie en Livonie, en Esthonie, en Courlande, a le caractère d’une menace sociale. On connaît le communisme qui règne en Russie, une forme de socialisme dont la démocratie moscovite se promet d’enrichir la civilisation occidentale. La masse des terres appartient aux communes, qui les partagent tous les neuf ans entre leurs habitans. Or c’est la commune russe qu’on essaie d’introduire dans les provinces de la Baltique, et les propriétaires allemands se demandent avec inquiétude si leurs terres échapperont aux partages communistes quand les populations rurales se seront unies au culte orthodoxe, et paraîtront à la démocratie moscovite et au gouvernement suffisamment russifiées. Quelle est la cause de cette oppression dirigée contre les provinces que les Russes appellent la Lithuanie allemande ? Les progrès que les Prussiens viennent de faire sur les côtes de la Baltique aux dépens du Danemark n’ont-ils point éveillé les ombrages de la politique russe ? Cette politique redoute-t-elle que la pensée ne vienne un jour aux Allemands qu’il y a en Livonie et en Courlande plus d’hommes de leur race qu’il n’y en avait dans le Slesvig, qu’ils ont ravi aux Danois ? Pour que