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on les appelait, et la présence des calomniateurs condamnés continuait à embarrasser le patriarche ; il obtint, par l’intervention des officiers de la cour et peut-être par celle d’Augusta, que leur peine fût commuée en celle de la relégation, au moyen de quoi ces hommes compromettans furent éloignés de Constantinople, et pour le moment l’affaire fut calmée. Cependant le peuple de la ville commençait à s’agiter sous l’incitation de mille bruits divers. Des bandes d’artisans, d’ouvriers du port et même de laboureurs de la banlieue se réunissaient dans le voisinage de l’archevêché pour y stationner, comme s’ils eussent craint quelque violence contre leur évêque ; les églises étaient pleines le jour, et le soir des litanies formées spontanément parcouraient avec animation les portiques des places et des rues. C’était la manifestation d’une grande inquiétude publique, et loin de s’y opposer Chrysostome engageait ses fidèles à s’y rendre, à chanter, à prier, à opposer en un mot la protection du ciel aux mauvais desseins de la terre. Toutefois il s’abstint d’y paraître en personne. Alarmé de ces mouvemens de peuple, Théophile se fit donner par la cour une garde de sûreté sous le nom de garde d’honneur.

Cette précaution ne semblant pas encore suffisante, on examina dans le conciliabule d’Eugraphie s’il n’y avait pas danger pour le synode à délibérer sous la main de cette plèbe vouée à l’archevêque, et si la prudence ne conseillait pas de le transférer hors de Constantinople. L’évêque de Gabales savait par expérience ce que valait le peuple byzantin quand il croyait son idole menacée, et il put en donner son avis. On pouvait craindre encore que cette attitude de toute la ville n’influât sur les évêques étrangers, qui ne montraient pas au reste grand empressement à seconder les intrigues de la cour. Bref tout le monde tomba d’accord, et on décida que l’empereur serait prié de transférer le synode dans un autre lieu. Quel serait ce lieu ? Ce fut l’objet d’une seconde délibération. Quelques-uns ayant proposé Chalcédoine, Théophile appuya ce choix à cause de l’évêque Cyrinus, que sa blessure empêchait de siéger à Constantinople, et qui serait d’un puissant secours au milieu des siens, dans sa propre église. Un motif de légalité militait aussi en faveur de Chalcédoine, c’est que, cette ville n’étant, à vrai dire, qu’un faubourg de Constantinople, son faubourg au-delà du détroit, la tenue du concile sur une rive du Bosphore ou sur l’autre ne changeait rien à l’esprit ni aux termes mêmes du décret de convocation ; le concile délibérant à Chalcédoine serait toujours celui de Constantinople, et effectivement l’histoire lui donne tantôt cette dénomination, tantôt celle du Chêne, canton de la cité de Chalcédoine. Les choses ainsi réglées, on se posa une troisième question qui n’était pas sans importance. L’archevêque voudrait-il comparaître