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stantinople, dévoués pour la plupart à l’archevêque, mais comptant dans leurs rangs quelques hommes mal sûrs ou indécis. C’est ce que plus tard on appela le parti joannite par opposition à celui de Théophile, qui prit le nom de parti alexandrin. Tandis que les alexandrins organisaient avec éclat le concile régulier sous les lambris magnifiques de l’Apostolœum, les joannites se réunirent dans le triclinium ou salle à manger de l’archevêché sous la présidence de Chrysostome. On y causait, on y apportait les bruits recueillis dans la ville, on y suivait avec anxiété ce qui se préparait au-delà du détroit. Par intervalles, l’archevêque quittait son palais pour passer dans la basilique, où le peuple était toujours assemblé en grand nombre. Il montait à l’ambon, prononçait quelques paroles applicables à la circonstance, puis revenait au triclinium prendre part aux conversations des évêques.

Trois affaires principales devaient être portées devant le concile du Chêne : 1o la plainte des moines de Nitrie, cause première de la convocation, 2o celle des Asiatiques au sujet des dépositions et ordinations faites dans leurs provinces par Chrysostome en 401, 3o la mise en jugement de l’archevêque pour des crimes de l’ordre ecclésiatique et de l’ordre politique. Dans le classement des causes par l’assemblée préliminaire du concile, il fut convenu que le premier rang appartiendrait à celle de Chrysostome, comme à la plus urgente, le second à la plainte des Longs-Frères, et qu’on renverrait à la fin de la session la poursuite intentée contre Héraclide d’Éphèse, laquelle soulèverait les faits nombreux d’usurpation et d’intrusion reprochés à Chrysostome dans sa campagne d’Asie. L’ordre des affaires ainsi réglé, la session commença.

V.

Les conciles formés en cour de justice criminelle, tels que celui-ci, se modelaient dans leurs règles de procédure sur celles de la justice séculière. L’accusation était introduite par une partie plaignante au nom de laquelle se faisaient les poursuites. L’accusateur devait être présent, proposer ses dires par écrit et s’inscrire solennellement dans les Actes du concile, se soumettant à la peine du talion, s’il ne prouvait pas. S’il prouvait, le coupable devait être condamné suivant la rigueur des canons. Le libelle reçu, l’accusé était cité trois ou quatre fois pour qu’il eût à se défendre. Le refus volontaire et persistant de comparaître, la contumace, était un crime punissable des dernières peines, à savoir la déposition et l’excommunication. Si l’accusé comparaissait, il était interrogé ; on produisait les témoins et les écritures dressées contre lui ; enfin les évêques rendaient le jugement. À la déposition et à l’excommunica-