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toutes ces objections : c’est que les Slaves d’Autriche sont lésés dans leurs droits historiques et nationaux, c’est que le récent partage des libertés publiques dans les états des Habsbourg s’est fait à leur détriment, c’est que, numériquement les plus forts dans l’empire, ils ont été sacrifiés par le système dualiste de M. de Beust à la minorité allemande de Vienne et à la minorité magyare de Pesth. Sans doute ces réclamations ne manquent point de fondemens réels : M. de Beust a peut-être eu trop hâte « d’aller au plus pressé, » d’établir un régime normal quelconque et de jouir d’un succès auprès des journaux de l’Europe ; il n’a pas eu assez d’égards pour les privilèges acquis et les intérêts vitaux de plusieurs peuples de la monarchie. Cela justifierait-il cependant un appel à l’étranger, à la ruine ? N’eût-il pas été plus sensé et plus digne de s’en fier au droit, à la raison, à la liberté, et ne fût-ce qu’à la nécessité impérieuse de la situation, pour le redressement des torts ? Au reste, les Slaves n’ignorent point la cause véritable de leur infériorité en Autriche : numériquement en effet les plus forts dans l’empire, ils en seraient devenus déjà depuis longtemps les maîtres reconnus, si seulement ils avaient pu égaler le sens politique de la minorité magyare et la civilisation avancée de la minorité allemande, — et hélas ! ce n’est pas d’un sens politique ni d’un sens moral supérieurs qu’ils ont donné la preuve par leur dernier appel à la Russie… Est-ce de la Russie qu’ils attendent le complément des libertés que leur retient l’Autriche ? Qu’ils essaient donc dans l’empire des tsars l’usage le plus modéré de l’une des nombreuses. libertés que leur laisse le grand oppresseur M. de Beust, liberté de la presse, liberté de réunion, liberté de discussion et malheureusement aussi liberté de déchirer le sein de la monarchie et de faire des pèlerinages au Kremlin. Ah ! si l’Autriche avait convoqué à Vienne ou à Cracovie un congrès pareil à celui qui a eu lieu à Moscou, et que des Polonais du royaume ou de la Lithuanie y eus sent pris part, combien de gibets se fussent déjà dressés à Varsovie et à Wilna, que de familles déportées et de fortunes confisquées, tandis que MM. Rieger et Palaçky sont très tranquillement revenus à Prague ! Comment font ces messieurs pour échapper à un rapprochement si simple cependant et si instructif ? comment font-ils surtout pour ne pas voir que ce n’est point leur Bohême dans tous les cas qui pourra jamais profiter de la réalisation de la « grande idée préconisée à Moscou ? Un coup d’œil jeté sur la carte suffit pour convaincre que, s’il devait jamais être procédé au démembrement de l’Autriche, ce n’est point à la Russie, c’est à la Prusse qu’écherrait de toute nécessité le royaume d’Ottokar. Au démembrement de l’Autriche, les Tchèques ne seront pas réunis à la Slava des tsars,