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divinités exotiques ; encore ne les accepta-t-elle que quand celles-ci eurent reçu une sorte de déguisement égyptien. C’est ce qui arriva pour l’une de ces divinités chananéennes ou assyriennes désignées sous le nom de Baal et que révéraient comme leur dieu national les Hycsos ou pasteurs. Pour le faire pénétrer dans les sanctuaires du peuple soumis, les conquérans durent l’assimiler à l’adversaire d’Osiris, Set ou Sutekh, qui, malgré l’horreur qu’il inspirait, avait un temple à Memphis dès les anciennes dynasties, et y recevait un culte au même titre sans doute que le dieu-mauvais est adoré par certains peuples sauvages qui redoutent sa puissance. Les Hycsos, ennemis des pharaons, qui se regardaient comme des émanations d’Osiris et de Ra, tinrent sans doute à se mettre sous la protection d’un dieu qui combattait celui de ces monarques, et ils ne voulurent pas que leur divinité spéciale pût être confondue avec Ammon-Ra. De là la réhabilitation momentanée du dieu Set et l’importance de son culte pendant la domination des Hycsos ; mais les peuples pasteurs une fois expulsés de l’Égypte, le nom de Set-Baal ne fut plus prononcé qu’avec imprécation ; on revint à toute l’horreur qu’il avait inspirée. La dévotion pour ce dieu persista toutefois à Avaris, où les conquérans étrangers avaient laissé derrière eux une nombreuse population agricole de leur race qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Sous la XIXe dynastie, on vit pourtant refleurir le culte de Set, remis en honneur par des princes qui s’honoraient de descendre d’un roi pasteur ; mais ce retour eut peu de durée, et les martelages, qu’a subis le ; nom du dieu sur les monumens, la rareté de ses figures, prouvent qu’il inspira de nouveau une aversion profonde. Ce qui était arrivé pour le dieu Set se reproduisit à certains égards pour Aten-Ra, le dieu du disque rayonnant, dont un roi de la XIXe dynastie, Aménophis IV, introduisit le culte à l’instigation de sa mère, d’origine étrangère.


II

Voilà qui montre combien était puissante et homogène la constitution religieuse de l’Égypte. Dès que l’influence étrangère cessait de se faire sentir, le culte reprenait sa forme traditionnelle. Ni la domination des Perses, ni celle des Ptolémées, ni celle des Romains ne put altérer l’antique religion pharaonique. De tous les polythéismes, celui qui opposa la résistance la plus opiniâtre aux conquêtes du christianisme, ce fut cette religion, qui comptait encore des sectateurs au VIe siècle de notre ère. C’est que la religion égyptienne avait si profondément pénétré dans l’esprit et les habitudes du pays, qu’elle faisait pour ainsi dire partie de l’organisation intellectuelle et physique des habitans. Qu’on se figure en effet