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pour l’homme et non l’homme pour elle, cette institution est un bienfait social. Eh bien ! le pharisaïsme, celui surtout de l’école de Schammaï, en avait fait quelque chose d’abrutissant. Il était défendu, par exemple, de commencer le vendredi matin des choses qui ne pouvaient se terminer avant le vendredi soir, lors même que la main humaine n’avait plus à s’en mêler, telles que la liquéfaction d’une matière colorante ou la pose des filets pour la pêche. Il était encore défendu de distribuer le samedi les aumônes aux pauvres, de conclure des fiançailles, de s’entendre sur l’instruction à donner aux enfans, de consoler les affligés, de visiter les malades, encore plus de les guérir. Le nombre de pas qu’on pouvait faire sans violer le sabbat avait été calculé soigneusement à deux mille, au point que l’expression un chemin de sabbat servait de mesure itinéraire. C’était surtout dans la question de pureté et d’impureté légales que la jurisprudence du pharisaïsme avait raffiné sur les préceptes déjà bien gênans de l’ancienne loi. Avec la meilleure volonté du monde, on vivait dans l’appréhension perpétuelle d’être souillé, et par là en état d’abomination devant Dieu. Était souillé quiconque touchait un homme atteint de la lèpre ou de n’importe quel flux morbide, ou bien une femme dans son état périodique ou affectée d’une hémorragie anormale, ou bien une personne de l’un ou l’autre sexe ayant cohabité avec une autre, même dans les liens légitimes du mariage ; souillé encore quiconque touchait un animal dont la chair est interdite, un tombeau, un cadavre, quel qu’il fût, d’homme ou de bête. Les habits, les meubles, les ustensiles de ceux qui se trouvaient dans ces catégories souillaient aussi l’Israélite qui les touchait, et tant qu’il ne s’était pas purifié selon le rite rabbinique, sa souillure se communiquait à tous ceux qui entraient en contact avec lui. Même les alimens autorisés, mais non sanctifiés par la dîme et l’offrande des prémices, étaient considérés comme impurs. Les viandes provenant des sacrifices païens étaient proscrites, et les rabbins étendirent peu à peu cette proscription au vin, à l’huile, au fromage, au pain, bref à tout ce qu’un païen pouvait vendre, puisqu’on n’était jamais certain que l’origine n’en fût pas impure. La société juive se trouvait mise en quarantaine par le pharisaïsme, chacun de ses membres tremblait toujours d’être l’objet des attouchemens d’un pestiféré.

Il est donc dans l’ordre des choses que le pharisaïsme présentât des nuances nombreuses de raffinement et d’austérité. Il avait sur les sadducéens l’avantage du nombre, il eut aussi celui de la variété des formes. M. Grætz compte sept espèces de pharisiens, dont chacune avait sa méthode ou son procédé ; favori pour écarter la souillure. Il y en avait par exemple qui ne marchaient que pliés