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devoirs plus spéciaux envers le gouvernement de la France, protecteur de la religion et de l’église ; elle nous ordonne de l’aimer, de le chérir et d’être prêts à faire tous les sacrifices pour son service. » Les théologiens de la commission représentèrent à Napoléon que la question ainsi posée ne pouvait se concilier avec les principes, attendu que, l’église étant de sa nature universelle et ses dogmes embrassant toutes les nations qui reconnaissent la suprématie du saint-siège, ils ne pouvaient être appliqués à tel état plutôt qu’à tel autre. L’empereur se rendit à ces raisons, mais il voulut que l’on fît particulièrement mention de lui et de sa dynastie[1]. Les devoirs des Français à l’égard de l’empereur devinrent alors la matière d’un chapitre spécial ; M. Portalis le soumit à l’empereur, qui, d’accord avec son ministre, pesa, revit et remania chaque expression de façon que rien d’essentiel ne fût oublié, et que toutes choses concordassent bien à ses vues. Voici le texte de la leçon relative au quatrième commandement telle qu’elle sortit enfin de ce dernier travail de révision :


Leçon VII. — Suite du quatrième commandement.

« D. Quels sont les devoirs des chrétiens à l’égard des princes qui les gouvernent, et quels sont en particulier nos devoirs envers Napoléon Ier, notre empereur ?

« R. Les chrétiens doivent aux princes qui les gouvernent, et nous devons en particulier à Napoléon Ier, notre empereur, l’amour, le respect, l’obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l’empire et de son trône ; nous lui devons encore des prières ferventes pour son salut et pour la prospérité spirituelle et temporelle de l’état.

« D. Pourquoi sommes-nous tenus de tous ces devoirs envers notre empereur ?

« R. C’est premièrement parce que Dieu, qui crée les empires et les distribue selon sa volonté, en comblant notre empereur de dons, soit dans la paix, soit dans la guerre, l’a établi notre souverain, l’a rendu le ministre de sa puissance et son image sur la terre. Honorer et servir

  1. Mémoires historiques sur les affaires ecclésiastiques de France pendant les premières années du dix-neuvième siècle, t. II, p. 163. Cet ouvrage est de M. Jauffret (Joseph), frère de l’ancien évêque de Metz, plus tard archevêque d’Aix, qui avait été premier vicaire du cardinal Fesch et fort lié avec lui. M. Jauffret était lui-même chef du secrétariat au ministère des cultes sous M. Portalis. Après la mort de M. Portalis, il continua d’y exercer diverses fonctions, notamment celle de secrétaire-général. Ces circonstances et l’honorabilité bien avérée de M. Jauffret donnent une grande autorité aux détails que contiennent ses trois volumes, écrits avec une grande modération, et qui sont d’ailleurs assez peu connus du public.