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gagnée, et qu’après cette conférence entre l’oncle et le neveu il ne resterait plus rien du nouveau catéchisme. Leur attente fut trompée et leur joie de courte durée. Le cardinal Fesch avait objection au chapitre du nouveau catéchisme qui reconnaissait la possibilité du salut pour les âmes nées en dehors de l’église catholique ; mais il n’en avait aucune contre les développemens inattendus donnés au quatrième commandement. On ne sait pas en détail ce qui se passa dans l’entrevue de Saint-Cloud. Le résultat seul en est connu. « Le chef du gouvernement, dit M. Jauffret, tenait beaucoup à ce que le nouveau catéchisme fût partout favorablement accueilli à cause du chapitre qui le concernait ; c’est pourquoi il donna des ordres pour qu’on modifiât les passages qui pouvaient faire suspecter la doctrine de ce livre. On rétablit même au chapitre de l’église les expressions : hors de l’église point de salut, que les éditeurs avaient cru devoir rendre autrement[1]. » Il est facile de comprendre en effet que l’empereur ait eu dans cette circonstance de la peine à se défendre sérieusement contre son oncle. « Quoi ! pouvait lui dire avec une grande force de raisonnement le cardinal Fesch, vous voulez de la damnation éternelle pour ceux qui se tiennent en dehors de votre gouvernement, ou bien qui ont seulement le tort de n’être pas animés à l’égard de votre majesté d’un amour suffisant, et vous ne voulez pas que l’église menace d’une peine semblable ceux qui ne reconnaissent pas son autorité ! Cela serait contradictoire. » À cette argumentation ad hominem, il n’y avait trop rien à répondre. Comme il ne s’agissait après tout que de laisser damner quelques âmes de plus, l’empereur n’y regarda pas de trop près, et accepta la transaction qui était, comme à l’ordinaire, tout à son profit.

Les derniers obstacles ainsi levés, le catéchisme parut dans la première quinzaine d’août 1806, un peu avant la fête de l’empereur. Parmi les évêques français, le plus grand nombre applaudit. Tout prétexte ostensible étant désormais ôté aux opposans, qui d’ailleurs n’étaient pas bien nombreux, ils se résignèrent ou du moins gardèrent le silence jusqu’aux jours où, l’empereur étant tombé, il leur devint possible de le rompre sans danger.


D’HAUSSONVILLE.

  1. Mémoires sur les Affaires ecclésiastiques du dix-neuvième siècle, t. II. — Vie du cardinal Fesch, par l’abbé Lyonnet, t. II, p. 50.