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du tiers et au nombre des députés qu’il enverrait à la future assemblée nationale. Désespérée en voyant succomber, sans trouver aucun moyen de la défendre, l’antique constitution pour laquelle elle avait livré tant et de si généreux combats, la noblesse bretonne commettait en 1789 la faute irréparable de ne point paraître aux états-généraux, et quelques mois plus tard la Bretagne disparaissait dans la tempête, de telle sorte que, de tant de champions si longtemps ligués pour défendre ses libertés contre les entreprises de la monarchie, aucun ne se rencontra plus à l’heure décisive pour défendre son existence contre la révolution.

Cette histoire d’un petit peuple toujours fidèle à lui-même, et dont les amères déceptions sortirent de l’excès de cette fidélité, se prolonge durant deux siècles pour s’achever dans la catastrophe où s’écroule avec ce peuple lui-même la puissante monarchie qu’il a si longtemps combattue. La Bretagne succombe sous le poids de son adversaire terrassé, et de tant de luttes engagées avec une si parfaite sincérité il ne lui reste bientôt plus que des souvenirs qu’il faudrait prendre pour des remords, si l’on en jugeait par l’héroïque expiation qui suivit.

On a le cœur serré en retrouvant sur les tables mortuaires de Quiberon la plupart des noms inscrits au bas des fières remontrances adressées peu d’années auparavant dans les états de Saint-Brieuc à cette royauté française qui allait périr avec la Bretagne ; mais si la pensée des guerres civiles, dernier terme de tant d’espérances, répand sur ce tableau une sorte de tristesse en harmonie avec le paysage mélancolique qui l’encadre, l’étude de ces temps tout pleins des combats engagés par nos pères pour la liberté et pour le droit n’en demeure pas moins digne d’attention. Rien de plus fortifiant que de suivre à travers les transformations des mœurs et des intérêts la trace des idées qui leur survivent. Il est bon de savoir que d’autres générations ont eu l’instinct confus de nos besoins, et qu’elles ont poursuivi à leur manière la solution des problèmes qui nous tourmentent. On est plus juste envers elles, on les respecte davantage, lorsqu’on les voit succomber en recherchant les garanties politiques auxquelles nous aspirons nous-mêmes. On reprend espérance et courage en entendant sortir de la tombe des aïeux des paroles oubliées, quand ces paroles constatent qu’ils nous approuveraient dans nos poursuites, et que leur esprit est avec leur postérité.

Établir une fois de plus que le despotisme est de fraîche date et que l’active participation du pays à son propre gouvernement est l’impérieux besoin de tous les peuples honnêtes, faire remonter jusqu’à la monarchie absolue l’arbitraire administratif dont nous