Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/429

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un acte tout gratuit du bon plaisir royal, qui ne comportait aucune condition. C’est à peu près la substance des nombreux écrits par lesquels, depuis le ministère de M. d’Argenson jusqu’à celui de M. de Maupeou, la chancellerie française répondait aux délibérations des états et aux remontrances encore plus accentuées du parlement[1].

Les conditions attachées à l’union proclamée aux états de Vannes n’ont, selon la presse officieuse de ce temps, d’autre valeur que celle d’un engagement moral spontanément pris par nos rois, car les représentans du pays n’étaient ni en droit ni en mesure de traiter avec eux. La Bretagne fut comme toutes les autres provinces du royaume un grand fief indûment détaché de la couronne durant l’anarchie féodale, fief que nos rois conservaient toujours le droit, pour ne pas dire le devoir de réintégrer. Si les preuves de la conquête sont beaucoup plus rares dans cette province que dans les autres sous les deux premières races, elles suffisent cependant pour établir le droit des suzerains. D’ailleurs, en faisant monter au XIIIe siècle sur le trône ducal des princes issus du sang capétien, la Bretagne avait implicitement reconnu sa dépendance de la monarchie française, et s’était rattachée au tronc par l’adoption d’un de ses rameaux. Le contrat de mariage de Louis XII avec la duchesse Anne fut un acte nul en soi, du moins dans les stipulations qui reconnaissent à une province le droit de se séparer du corps de la monarchie. Ce droit avait été aliéné par le premier mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII, puisqu’il est de principe en matière féodale que le fief servant est absorbé et assujetti par le fief dominant, lorsqu’il lui a été un seul moment incorporé. François Ier n’avait donc à accepter aucune condition pour régler une Situation fixée antérieurement, et qui ne pouvait être infirmée par des réserves contraires au droit public du royaume.

À ces subtilités empruntées à la jurisprudence féodale, il était trop facile de répondre. La souveraineté des ducs de Bretagne, que leur vassalité fût plus ou moins étroite, avait brillé d’un assez sombre éclat dans les annales de la France durant les longues guerres du XVe siècle pour ne pouvoir pas être contestée, et rien n’était plus étrange que de voir les ministres de Louis XV nier des droits que les ministres de François Ier, mieux placés pour les juger, avaient authentiquement reconnus en s’attachant à les éteindre. Le contrat de mariage de 1498 avec Louis XII, où ces droits étaient plus spécialement consacrés, stipulait qu’à la mort du roi et de la reine, « pour

  1. Voyez, entre beaucoup d’autres, les trois lettres du contrôleur-général de Laverdy à M. d’Amilly, premier président, réunies sous ce titre : Preuves de la pleine souveraineté du roi sur la province de Bretagne ; Paris 1765.