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naissance donnait accès aux états, enfin aux villes et communautés formant l’ordre du tiers.

La perte des procès-verbaux des états, dont la série régulière ne se retrouve qu’à partir de 1567, laisse une lacune de trente années à peu près dans les débats de ces assemblées. On peut inférer cependant du silence de d’Argentré, gardien jaloux de tous les privilèges constitutionnels de sa patrie, que le droit, capital des états, celui de voter les subsides, s’exerça dans toute sa plénitude malgré la difficulté des temps. Cet historien déplore souvent en effet, mais sans jamais les condamner, les sacrifices pécuniaires que dut s’imposer la Bretagne sous les règnes de François Ier et de Henri II pour sauver l’intégrité du territoire français. Tout en trouvant l’union fort lourde, il n’attaque pas la manière dont la royauté exerçait alors sa souveraineté sur la province, qui lui apportait sans murmurer le tribut de son or comme celui de son sang. On trouvé d’ailleurs dans les Actes de Bretagne divers états de finances rédigés par les commissaires royaux, approuvés par les trois ordres, états subdivisés en nombreux chapitres, et qui contiennent des détails aussi minutieux que pourrait le faire un budget moderne[1].

Une seule contestation sérieuse au point de vue financier paraît s’être produite durant le long règne de François Ier. Comme ce débat caractérise et l’époque et le pays, il convient d’en faire connaître le motif dans les termes mêmes où l’expose le noble jurisconsulte qui consacrait à l’histoire les rares loisirs d’une carrière toute remplie par l’étude des lois. Les extrémités auxquelles la France s’était trouvée conduite par sa lutte contre Charles-Quint déterminèrent en 1543 l’établissement d’un impôt dit des villes closes, dont le produit fut affecté à la solde de 50,000 hommes de pied. A l’incitation des membres du tiers-état, le gouverneur imagina de faire concourir au paiement de cet impôt, établi d’ailleurs régulièrement, quelques nobles d’ancienne extraction « sous couleur que partie d’entre eux tenaient office de judicature et les autres faisaient profession d’avocats, prétendant que de telles tailles ne pouvaient être exempts que les nobles vivant noblement et continuellement suivant les armes. Sur quoi s’étant mû procès, fut cette imposition rejetée, et déclaré que les gentilshommes exerçant état de judicature ou plaidant pour parties ne contrevenaient à l’état de noblesse et devaient jouir de tous les privilèges d’icelle,

  1. M. Daru a reproduit le budget de 1534, arrêté dans l’année qui suivit l’union. Il est divisé en recettes et dépenses, et fait monter les revenus du roi, nets des charges de perception et des gages de tous les officiers royaux dans le duché, a la somme de 450,000 liv. tournois, ce qui équivaut, d’après la valeur du marc d’argent, à 1,800,000 fr. environ de notre monnaie. — Histoire de Bretagne, t. III, liv. IX.